
Une partie des grizzlis du Nunavut se trouvent dans la région de Kivalliq.
Au Nunavut, la chasse au grizzli est ouverte toute l’année aux résidents et non-résidents du territoire. Pour l’année 2024/2025, les limites de prise annuelle ont été fixées à 10 dans la région de Kivalliq et à 15 dans la région de Kitikmeot.
En 2021, le ministère de l’Environnement du gouvernement du Nunavut a publié les résultats d’une étude sur la collecte et la surveillance des grizzlis dans ce territoire.
Cette étude a pour but de déterminer la distribution géographique des récoltes de grizzlis au Nunavut ainsi que leur répartition en ce qui concerne le genre et l’âge. Elle a aussi permis d’aider à comprendre la situation et de déterminer des quotas de récolte viables.
Pour la collecte de données, les personnes pratiquant la chasse aux grizzlis ont été invitées à transmettre aux agents de conservation la mâchoire inférieure ou le crâne entier de l’animal, ainsi qu’un morceau de muscle et un carré de 2 cm sur 5 cm de fourrure. Des échantillons dentaires ont aussi été analysés pour déterminer l’âge des animaux.
Entre 2013 et 2019, 232 grizzlis ont été chassés, soit une moyenne de plus de 33 prises par an.
Sur cette période, la récolte moyenne au Kitikmeot semble avoir été relativement stable, avec 13 grizzlis par an, mais semble être en légère augmentation depuis les trois dernières saisons de chasse. La récolte dans la région du Kivalliq pour cette même période est demeurée assez élevée, la moyenne étant de 20 grizzlis par an, apprend-on à la lecture du rapport.
60 % des prises ont été faites dans la région de Kivalliq dans les collectivités de Baker Lake et Arviat. Le reste des prises, soit 93 grizzlis provenaient de l’ouest de la région Kitikmeot, à Kugluktuk et Cambridge Bay.
Le ministère de l’Environnement du gouvernement du Nunavut a cependant émis des inquiétudes quant aux pratiques actuelles de chasse et estime que « la pratique actuelle en ce qui concerne la récolte de grizzlis dans la région du Kivalliq pourrait ne pas être durable à long terme et entrainer un déclin de la population ».
Enfin, dans la conclusion du rapport, il est indiqué qu’il y a une crainte « que les effets cumulatifs des différentes causes de mortalité d’origine humaine et du développement croissant des terres n’entrainent un déclin de la population d’ours grizzlis au Nunavut ». C’est donc une accumulation de facteurs multiples posant une possible menace sur la population de grizzli au Nunavut qui préoccupe le gouvernement du territoire.
Pas d’estimation récente
Selon le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (Cosepac), la gestion du grizzli au Nunavut est en évolution et il n’existe aucune estimation officielle des effectifs dans le territoire. À l’image du Yukon et des TNO, il n’existe pas d’estimation officielle récente du nombre de grizzlis au Nunavut. Depuis 2018, une estimation entre 800 et 2 000 individus demeure la valeur prise en compte sans que l’on sache exactement si cette estimation est proche de la réalité.
En novembre prochain, la population de grizzlis dans l’ouest du Canada fera l’objet d’une nouvelle évaluation de son statut qui est classé comme préoccupant depuis 2012.
Les revenus que ces chasses sportives apportent à ces communautés sont vraiment nécessaires. Ce ne sont pas seulement les guides qui gagnent de l’argent, mais aussi les chambres d’hôtes locales qui accueillent les chasseurs et les artisans qui peuvent vendre leur artisanat.
Jusqu’à 40 000 $ US à débourser
Le cout d’une expédition de chasse au trophée de grizzli varie d’un territoire à l’autre et est facturé entre 20 000 et 35 000 $ US au Yukon et aux TNO. Le prix peut varier jusqu’à près de 40 000 $ US au Nunavut. Ces couts incluent la logistique spécifique à ces expéditions dans des régions très éloignées, ainsi que l’accompagnement par un ou plusieurs guides. Certaines dépenses ne sont pas incluses dans ces prix comme l’achat du permis de chasse et des étiquettes. Au Nunavut, les personnes non résidentes doivent se procurer un permis de chasse à 63 $ ainsi qu’un permis pour chasser le grizzli à 1 207,50 $.
Avec plusieurs années d’expérience en tant que pourvoyeur, Gary Adams, coassocié de la compagnie de pourvoyeurs Canadian high arctic adventures basée à Inuvik, estime que les revenus générés par ces expéditions destinées à des clients venant majoritairement des États-Unis, sont nécessaires dans les collectivités de l’Arctique canadien.
« Les revenus que ces chasses sportives apportent à ces communautés sont vraiment nécessaires. Ce ne sont pas seulement les guides qui gagnent de l’argent, mais aussi les chambres d’hôtes locales qui accueillent les chasseurs et les artisans qui peuvent vendre leur artisanat », pense-t-il.
Néanmoins, M. Adams rappelle que l’accès aux infrastructures nécessaires à la chasse au trophée du grizzli arctique est limité, en particulier dans les TNO.
« Il n’y a pas assez de motoneiges, de traineaux, d’équipages de chiens, de traineaux, et d’équipements de camping (disponibles) pour organiser davantage de chasses que ce qui est actuellement fait », pense-t-il.
L’importance économique de la chasse sportive au Nunavut
Le chômage est prégnant dans le Nord. Si le Yukon fait figure d’exception avec un taux de chômage à 4,3 % en 2024, le plus faible au pays, le taux de chômage aux TNO et au Nunavut restent élevés avec, respectivement, 5,8 % et 8,3 %. Selon Statistique Canada, le taux national s’élevait à 6,7 % au mois de décembre 2024.
Pour le gouvernement fédéral, les territoires font face à « d’importants défis socioéconomiques et politiques, notamment des pénuries de main-d’œuvre, un manque continu d’infrastructures, une pénurie de logements abordables, les changements climatiques et l’imposition par les États-Unis de tarifs douaniers sur les importations canadiennes ».
Selon le comité de l’ours blanc, organe du ministère de l’Environnement du gouvernement du Nunavut, la chasse guidée permet d’engendrer des retombées économiques importantes. Bien qu’il soit ici question de la chasse à l’ours blanc, la chasse sportive, dans son ensemble, représente un potentiel de développement économique. Avant que l’ours blanc ne soit inscrit en 2008 comme une espèce menacée par le gouvernement des États-Unis, les recettes provenant de la chasse guidée au Nunavut étaient de l’ordre de 1,5 à 2 millions de dollars par an. Aujourd’hui, la chasse guidée de l’ours blanc au Nunavut génère environ 700 000 dollars par an.
« Si l’on mettait fin à la chasse guidée et au commerce des peaux d’ours blancs, on supprimerait une source de revenus pour la région canadienne qui en a le plus besoin, sans pour autant changer la gestion de l’espèce, ni le nombre d’ours récoltés par les Inuits, » peut-on lire sur le site internet du comité.
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.