Facile d’obtenir un permis d’exercice de la médecine des T.N.-O., mais pas facile de le faire reconnaître par les autres juridictions.
Rita Dahlke a pratiqué la médecine familiale à Hay River et Yellowknife durant 17 ans. Depuis 1999, elle soigne ses patients à Calgary, en Alberta. Avant de se rendre dans le Sud, la docteure était persuadée que les besoins en matière de santé des Albertains étaient sensiblement les mêmes que ceux des résidents des T.N.-O. Un point de vue que ne partage pas l’administration médicale canadienne, qui exige que chaque praticien possède un permis d’exercice de la médecine pour chaque juridiction pour laquelle il travaille. Dans le cas de Rita, cette formalité s’est transformée en véritable casse-tête.
Avec son permis des T.N.-O., elle a cru, à tort, que les autorités albertaines allaient lui ouvrir toute grande leurs portes. Tout ce qu’on lui a offert, c’est un permis d’exercice restrictif, qui la confinait dans la région de Calgary. « Ça a été comme une gifle au visage. J’ai pensé que ce n’était pas juste, après 17 ans de pratique aux T.N.-O., dans une zone rurale, explique celle qui a également eu un permis de la Colombie-Britannique. Je pense que les médecins qui travaillent dans les zones rurales, éloignés de tout, devraient recevoir une tape dans le dos au lieu de se faire dire qu’ils ne sont plus qualifiés pour avoir droit à un permis sans restriction. »
Cette situation est dûe, entre autres, à l’introduction, au 1er janvier 1992, d’une nouvelle mesure administrative qui oblige chaque médecin à passer avec succès une série de deux examens mis sur pied par le Conseil médical du Canada. Lorsque le candidat obtient son titre de Licencié du Conseil médical du Canada (LCMC), il peut faire application pour un permis d’exercice partout au Canada. La plupart des médecins qui ont gradués avant 1992 n’ont pas eu à faire ce test. La docteure Dahlke, qui a graduée au cours des années 1970, ne possédaient plus, selon le cercle médical, les qualifications requises selon les normes actuelles. Elle a dû ressortir ses livres d’école, puis passer les examens.
Son permis des T.N.-O. ne lui a également pas facilité la tâche. Parce que la délivrance des permis d’exercice de la médecine aux T.N.-O. ne se fait pas par un collège des médecins, comme partout ailleurs au Canada, l’administration médicale des autres provinces estiment que ce permis n’a pas la même valeur. Pour un jeune gradué qui a réussi ses examens, cette situation est presque sans conséquence, puisque ses compétences sont déjà reconnues par le Conseil médical du Canada. Un médecin des T.N.-O. qui n’a pas son titre de Licencié doit, par contre, prouver qu’il est qualifié. Pour le médecin en chef du Conseil de santé et des services sociaux de Yellow-knife, David Butcher, il est presque impossible de créer un collège de médecins au Nord, puisque ses coûts d’administration sont exorbitants. « Pour une communauté d’environ 60 médecins, avoir un Collège rendrait nos permis inabordables, 100 fois plus chers que les autres au Canada. On ne peut pas créer de Collège à moins qu’il ne soit financé par le gouvernement et il n’y a pas de projet d’en créer un pour l’instant, à cause de ces coûts. »
Face à la pénurie de médecins un peu partout au pays, ces procédures de délivrance de permis peuvent surprendre, d’autant plus qu’elles n’encouragent pas un jeune médecin à déménager dans une autre province. À chaque changement d’environnement, le médecin doit refaire une demande de permis, un permis plutôt rigide qui n’accorde pas le droit au médecin de pratiquer sur une courte période, par exemple, pour des remplacements. Pour une juridiction comme les T.N.-O., qui a un grand besoin de médecin, cette situation nuit à l’embauche. « Si les T.N.-O. veulent faire venir des médecins pour une courte période, parce que ceux-ci ne savent pas comment ça se passe aux T.N.-O., mais qu’ils doivent payer pour leur permis à chaque déplacement, ça n’encourage pas leurs venues », estime Rita Dahlke.
Selon le médecin en chef Butcher, la plupart des médecins canadiens sont en faveur de l’introduction d’un permis transférable, qui existe déjà ailleurs, comme en Australie. Ce permis, délivré par la province d’origine du médecin, lui permet de se déplacer pour des périodes de trois mois ou moins. S’il décide de s’installer plus longtemps, il devra faire une demande de permis en bonne et due forme. Le permis transférable se présente comme un bon intermédiaire entre le système actuel et un système à permis unique, qui n’est pas envisageable à cause du découpage provincial du système de santé. « C’est une étape intermédiaire sur laquelle nous travaillons », raconte David Butcher, qui œuvre à l’exécutif de la Société de la médecine rurale du Canada, l’organisme qui chapeaute cette demande. « Lentement, la volonté politique de mettre sur pied ce projet dans le système des permis se développe. »
Pas question, par contre, de mettre de côté le système des permis. Le médecin Butcher se rappelle d’un homme qui s’est fait passer pour un chirurgien d’Inuvik à la fin des années 1970, époque où le système était plus souple.