le Lundi 5 mai 2025
le Vendredi 28 mars 2003 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Société

Loi sur la gouvernance Au tour des femmes

Loi sur la gouvernance Au tour des femmes
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L’Association des femmes autochtones du Québec a profité du passage, à Montréal, du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles de la Chambre des communes, le 25 et le 26 mars dernier, pour réitérer sa position à l’égard du projet de loi sur la gouvernance, qui ne propose pas de solution à la discrimination faite envers les femmes et les enfants autochtones. Sa présidente, Michèle Audette, n’a pas reçu l’appui qu’elle aurait voulu des autres associations nationales. Sans prétendre vouloir représenter toutes les femmes autochtones, elle a la conviction de dire qu’elle se bat pour toutes les femmes autochtones du pays. « J’espère que le mouvement national est derrière moi, mais nous n’avons pas attendu les associations nationales pour déposer plusieurs mémoires et dénoncer ouvertement l’attitude du gouvernement. »

Le projet de loi sur la gouvernance, ou projet de loi C-7, remplacera l’actuelle législation qui régit le statut des Autochtones au pays, la Loi sur les Indiens. Selon cette loi, en vigueur depuis 1969, une femme perdait automatiquement son statut d’indienne si elle se mariait avec un Canadien. Quelques changements ont été apportés à la loi en 1985, dont celui, pour les femmes vivant une telle situation, de retrouver leur statut. Par contre, il n’est toujours pas possible, pour une femme autochtone qui veut utiliser les programmes et services de sa communauté pour son enfant, de garder le nom du père confidentiel. Si le nom du père n’est pas connu, les autorités du conseil de bande estime qu’il est Canadien, et que l’enfant n’a pas de statut d’Indien. « Si une femme canadienne désire recevoir des services dans un centre de santé de son quartier et qu’on lui dit que le service ne sera offert que si le nom du père de l’enfant est divulgué, la situation serait jugée inacceptable », décrit Michèle Audette.

Une femme canadienne pourrait justement évoquer la Charte canadienne des droits et libertés dans une telle situation. Tel n’est pas le cas d’une femme autochtone. Selon l’article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, « les membres des Premières nations vivant dans des réserves ne peuvent se prévaloir de tous les recours du système de protection des droits de la personne », comme l’indique un communiqué de presse diffusé en janvier dernier par la Commission canadienne des droits de la personne. « L’article 67 empêche les Autochtones d’avoir un accès complet à la Commission. Nous avons eu certaines situations où nous avons pu répondre aux plaintes et d’autres non », explique la porte-parole de la Commission canadienne des droits et libertés, Dianne Douglass.

La présidente Michèle Audette connaît bien les travers de la Loi sur les Indiens. Au cours d’une discussion qu’elle a eu avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, Robert Nault, elle a appris que près de 200 poursuites ont été déposées contre le ministère et le ministre, dont la majorité concerne la transmission des statuts. « Il m’a dit : je suis tanné, en tant que ministre et en tant que représentant du Canada, d’être poursuivi à cause d’une loi archaïque. Il va falloir que la Charte canadienne s’applique pour que les femmes puissent aller en Cour contre leur propre conseil de bande », a rapporté Michèle Audette.

Or, le gouvernement canadien propose d’abroger l’article 67, mais, selon la présidente de l’Association des femmes autochtones du Québec, cette proposition ne mettra pas fin à cette saga. Tant et aussi longtemps que la source du problème sera la loi, pas question de poursuivre les conseils de bande. « En ce moment, c’est vous (le ministre Nault) qui êtes le premier responsable, donc on doit continuer à aller en cour contre vous, a indiqué Michèle Audette. Il (le ministre) est en train de manipuler la Charte pour se décharger de ses responsabilités. »

Cette attitude pourrait, selon les prédictions de la présidente, faire en sorte qu’il n’y ait plus aucun Indien inscrit d’ici une quarantaine d’années. Avec la perte de statut chez les enfants issus de mariage mixte, la population d’Indiens inscrits pourrait décroître rapidement. « Le message est clair, le gouvernement adopte la vieille mentalité de faire en sorte qu’on devienne des Canadiens en bonne et due forme », s’insurge Michèle Audette, qui a déjà représenté les femmes autochtones sur la scène nationale durant plus de neuf mois.

Selon cette dernière, le but non avoué du gouvernement est de ne pas avoir à faire face à ses responsabilités. « Si jamais on est reconnu comme peuple par les cours internationales, ce qui veut dire droit à l’autodétermination, droit à l’autosuffisance, droit à l’autonomie gouvernementale, ça va engendrer des coûts. Je ne pense pas que le Canada est prêt à subir cela », estime-t-elle.

Michèle Audette admet que sa présentation devant le Comité permanent ne fera pas de différence, mais que le combat n’est pas terminé. « Il ne faut pas lâcher, nous, les groupes de femmes. Je pense que le gouvernement le sait, il joue à l’autruche et ça nous donne encore plus de forces pour crier encore plus fort. »

Le projet de loi propose aux Premières nations de se prendre en charge elles-mêmes et de rendre des comptes à leurs membres. Le projet de loi a été déposé le 14 juin 2002, à la Chambre des communes, par le ministre Robert Nault. Plusieurs dispositions de la Loi sur les Indiens ne seront pas modifiées, dont celles, entre autres, concernant le statut d’Indien, les terres, l’argent des Indiens, la fiscalité et l’éducation.