Le 23 octobre 2025, le secrétaire à l’Intérieur des États-Unis a annoncé son intention d’ouvrir l’ensemble de la plaine côtière de la réserve faunique nationale de l’Arctique, en Alaska, à l’exploitation pétrolière et gazière. Une annonce que la nation Gwich’in a, elle, condamnée.
L’organisme qui représente le peuple Inupiat d’Alaska, Voice of the Arctic Inupiat, a été créé en 2015. En 2017, le Conseil d’administration a adopté une résolution en faveur de l’ouverture de la zone 1002 de la réserve à l’exploration et à l’exploitation pétrolières et gazières.
Des promesses de développement économique
Kaktovik est la seule collectivité Inupiat implantée dans la zone de la réserve. Le territoire traditionnel du peuple Inupiat chevauche celui du peuple Gwich’in et même si la collectivité Gwich’in d’Arctic Circle se trouve à environ 280 kilomètres au sud, à vol d’oiseau, elle se situe à l’extérieur de la réserve faunique nationale de l’Arctique.
L’annonce de l’ouverture de cette région au développement des énergies fossiles est une bonne nouvelle pour la nation Inupiat qui y voit des possibilités prometteuses de développement économique et de leurs infrastructures. C’est même une décision vitale pour le développement du village de Kaktovik, selon Nathan Gordon Jr, maire de ce village.
« La taxation des infrastructures de développement dans notre région finance des services essentiels dans toute la région North Slope, notamment les réseaux d’approvisionnement en eau et d’assainissement des cliniques, les routes et les services d’urgence. Les mesures prises aujourd’hui par le gouvernement fédéral créent les conditions nécessaires pour que ces services restent disponibles et pour que nos communautés continuent de progresser », soutient M. Gordon.
C’est aussi un indicateur que le gouvernement fédéral « comprend et respecte l’
importance de l’autodétermination des Iñupiaq du versant nord », selon Nagruk Harcharek, président et directeur général de VOICE, organisme représentant la voix des collectivités Inupiat de l’Alaska.
Absence d’équité
Le ministère de l’Intérieur avait indiqué, le 30 octobre 2025, dans un courriel adressé à Médias ténois qu’il est « attentif aux communautés tribales et reste déterminé à consulter les gouvernements tribaux, à respecter la souveraineté autochtone et à mettre en œuvre des mesures de protection rigoureuses pour l’environnement et les communautés. »
Alors que les collectivités Gwitch’in n’ont jamais été contactées depuis que Donald Trump a investi la Maison-Blanche, les dirigeants Inupiat ont, pour leur part, rencontré le secrétaire Burgum, le secrétaire à l’Énergie Chris Wright et l’administrateur de l’Agence de protection de l’environnement, Lee Zeldin lors d’une visite à Utqiaġvik en juin 2025.
« Ils sont venus constater de visu l’impact des projets d’exploitation des ressources sur nos communautés, a expliqué M. Harcharek lors d’une entrevue. Au cours de cette visite, le secrétaire Burgum a personnellement fait part à nos dirigeants élus de son intention d’abroger la règle finale NPR-A 2024, à laquelle nous nous étions opposés massivement lorsqu’elle avait été promue. »
Les consultations avec les leadeurs autochtones semblent donc se décider de façon unilatérale. En excluant les leadeurs Gwitch’in du dialogue et des processus de consultation pourtant mis de l’avant par le ministère de l’Intérieur, le gouvernement des États-Unis expose une image biaisée de la réalité.
Par ailleurs, M. Harcharek soutient que la collaboration continue avec le secrétaire Burgum et son équipe, sur des questions pour lesquelles les dirigeants Inupiat se battent depuis des décennies, est un autre exemple fort du respect de la volonté du peuple Inupiat par le gouvernement fédéral. Selon lui, les mesures prises par le gouvernement et le Congrès démontrent que les voix des autochtones sont entendues et respectées dans le processus d’élaboration des politiques par le gouvernement. Mais derrière les apparences, le processus de soi-disant consultation a été unipartite, ne donnant la parole qu’à l’une des deux parties impliquées.
Cette façon de faire hautement discutable a aussi été reprochée par les leadeurs Inupiat au gouvernement précédent, le 28 septembre 2023.
En effet, dans un communiqué de presse de l’époque, Voice of the Arctic Inupiat soupçonnait le gouvernement fédéral de vouloir réduire au silence les Inupiats de la plaine côtière.
« Nous exhortons l’administration à partager les informations afin d’aider nos communautés à mieux comprendre le processus décisionnel et savoir quand l’administration consultera ou non nos communautés au sujet des politiques qui affectent notre peuple et nos terres », avait déclaré Asisaun Toovak, mairesse de la ville d’Utqiaġvik.
L’opposition du Canada
En avril 2025, alors que les États-Unis clamaient haut et fort son intention de développer l’industrie pétrolière et gazière dans la région, la Première Nation Vuntut Gwich’in au Yukon avait fait part de sa déception.
Condamnant fermement les efforts continus de cette administration, Pauline Frost, cheffe de la Première Nation a décrit ce programme comme totalement irresponsable. « Maintenant que le gouvernement américain a ouvert la voie à l’exploitation pétrolière et gazière dans la plaine côtière, au cœur des aires de reproduction du caribou Porcupine, l’avenir du troupeau est incertain. C’est pourquoi nous ne nous reposerons pas tant que nous n’aurons pas obtenu la protection permanente de cette région, pour toutes les générations futures. »
Le Conseil international gwitch’in, à Yellowknife, avait aussi fait part de son inquiétude en février 2025. Alors que l’Arctique subit des changements sans précédent, le Conseil avait rappelé qu’une décision comme celle-ci mettait à mal la souveraineté de la nation gwich’in et de ses citoyens.
« Nous sommes solidaires de nos gouvernements, partenaires et citoyens gwich’in dans notre opposition au développement de la réserve faunique nationale de l’Arctique et dans nos efforts pour assurer la préservation et l’intégrité des aires de mise bas de la harde de caribous Porcupine et du mode de vie du peuple gwich’in. »
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.
