le Mercredi 30 avril 2025
le Vendredi 13 juin 2003 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Économie

Quelle histoire (suite et fin)

Quelle histoire (suite et fin)
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Je vous ai laissés alors que je m’apprêtais à attaquer un livre de vacances et que M. descendait avec moi sur la plage, bien décidée à attendre patiemment P. Nous nous installons devant une mer magnifique, des tons de turquoise qu’on voit sur les cartes postales et qui nous font douter d’une justice en ce bas monde : pourquoi des gens sont-ils voués à de telles températures, avec un mer si enviable, alors que d’autres peinent et gagnent leur vie à –45? Grave question que je n’ai pas envie d’attaquer pour l’instant. On s’installe donc et peu après arrive la troisième mousquetaire de notre trio (je sais, ils étaient quatre, mais tout n’est pas parfait dans la vie) en nous demandant si on vient d’arriver. T. (appelons-la ainsi pour les besoins de la cause) vient nous demander candidement : Vous venez d’arriver? À notre réponse positive et à notre invitation de s’asseoir avec nous, T. nous raconte en être à sa deuxième semaine, ayant passé la première avec son fils qui est déjà parti, ses vacances étant déjà terminées. T. s’installe donc avec nous et est bien vite mise au courant des histoires amoureuses de M. La journée débute donc ainsi, sur un petit air de farniente et de détente. Et même si on ne fait pas grand-chose, la journées progresse à pas de géant. M. réalise qu’il est près de 15 heures et qu’elle n’a toujours pas vu P. Une certaine angoisse s’installe chez elle. Elle nous laisse donc pour aller à la piscine et à sa chambre, supposément, la raison véritable de son départ étant de repérer P. Une demi-heure plus tard, elle revient un peu énervée et avoue ne pas avoir vu P. Elle a frappé à la porte de sa chambre, a appelé et aucune trace de ce P. Le soir, au repas, M. n’a toujours pas vu P. Nous commençons à douter que quelque chose ne tourne pas rond, mais bon, les choses étant ce qu’elles sont, détendues, nous réussissons à calmer M. de peine et de misère : il a dû aller prendre des photos pour un contrat, son contrat de traduction a dû s’avérer plus long que prévu, etc. La soirée se passe donc ainsi, à supputer ce qui a pû se passer. Pour T. et moi, les choses deviennent de plus en plus claires. De deux choses l’une : soit P. est parti avec une autre femme, soit il a eu peur de M. et a pris la poudre d’escampette. Pour M. les supputations vont bon train.

Le lendemain, c’est une M. bien énervée qui vient frapper à notre porte : P. n’est toujours pas là. Elle a appelé, frappé à sa porte, et rien. Les choses commencent à être vraiment bizarres. Comme M. m’a dit que la veille il a fait une attaque d’asthme, je lui suggère d’aller voir quelqu’un de l’hôtel pour vérifier si tout est OK. Peut-être P. est-il malade dans sa chambre? M. part donc voir avec une personne de l’hôtel si P. n’est pas malade. Je l’attends dans le lobby. Elle revient au bout d’une quinzaine de minutes. P. n’est pas malade dans sa chambre. P. n’est pas allé dans sa chambre! Comme elle avait glissé un mot sous la porte, elle voit bien que P. n’est même pas venu dans sa chambre. Horreur! Peu à peu, M. réalise qu’il l’a tout bêtement dumpée là, si vous me passez cette expression à la fois anglaise et horrible! Dumpée!

À partir de ce moment les choses se précipitent. Le lendemain, un P. éploré vient faire la grande scène du gars qui a eu peur et qui a dû se sauver. Il demande une explication plus approfondie et un moment pour s’excuser. T. et moi qui avions supputé que cette raison était possible acceptons les explications que M. nous transmet. Mais les choses allaient encore une fois prendre une tournure tout à fait prévue par T. et moi, pas vraiment par M. qui ménageait encore la chèvre et le chou.

Le lendemain de la soirée des explications, M. rencontre un gars qui s’est tenu avec P. avant son arrivée. En lui tirant les vers du nez, elle apprend l’horreur dans les détails les plus sordides : non seulement P. a une autre femme, mais il a plusieurs autres femmes, dont une qu’il entretient à Cuba; il en a d’autres en Thaïlande, et dans son pays. Il se promène avec une voiture louée près de l’université où il ramasse des jeunes filles sur le pouce et en échange d’attouchements sexuels que ne je décrirai pas ici et que je laisserai à votre imagination, il va les reconduire chez elles. P. vient exposer ses conquêtes à quelques gars de l’hôtel devant qui il s’est vanté. Il vient parader avec de jeunes filles qu’il a réussi à embarquer. D’après ce que nous avons entendu, ce sont des jeunes filles, pas des enfants. Mais avouez que l’horreur est tout de même à son comble. Nous n’avons rien vu. Nous savons que P. avait loué une voiture pour la semaine (les gens parlent facilement). Nous savons qu’il n’était jamais à l’hôtel ou à peu près pas. Nous savons qu’il est venu plusieurs fois depuis quelques années. Les choses se précisent peu à peu. M. en prend pour son rhume. L’humiliation est grande d’avoir été l’objet de machinations d’un être vil à ce point (je voulais écrire si vil, mais vous auriez pu lire civil, ce que je ne voulais pas). Par la suite, M. apprendra des détails croustillants. P. n’est pas le seul à se livrer à ses bas instincts. L’aventure laisse un goût amer dans la bouche de M. et aussi dans la nôtre. Pour M., la leçon est dure. Pour nous, la solidarité aura été de mise, pour ne pas dire de rigueur. Il faut bien se tenir.

C’est loin d’être la première fois que je constate que la libido de bon nombre d’hommes est à l’honneur lorsqu’ils voyagent entre mâles ou seuls. Par contre, c’est la première fois où les choses m’ont envahie à ce point, en raison de l’implication de M. Ne me faites pas tirer de conclusion ou réciter une morale. Là n’est pas mon rôle. À vous d’en juger. Sur cette fin abrupte, je prends congé de vous et je vous reviens dans deux semaines. [email protected]