Dans le Nord canadien, l’arrivée de l’hiver transforme le quotidien. De Yellowknife à Inuvik, le soleil disparait parfois pendant plusieurs jours, plongeant les communautés dans une obscurité quasi permanente. Cette absence de lumière n’affecte pas seulement les paysages : elle agit directement sur la santé mentale des habitants.
Un phénomène documenté : le trouble affectif saisonnier
Depuis plusieurs décennies, les chercheurs s’intéressent à l’impact du manque de lumière sur l’humeur et le bienêtre. Une étude menée dans une communauté inuite au-delà du cercle arctique révèle que 6 % des résidents souffrent d’un trouble affectif saisonnier (TAS) et que près de 40 % ressentent une forte influence des saisons sur leur énergie et leur humeur. Les symptômes vont d’une fatigue accrue jusqu’à une perte de motivation, en passant par un renfermement social.
D’autres recherches, effectuées dans des centres de santé mentale du Nord, montrent que le TAS peut toucher environ 20 % des patients cherchant de l’aide durant les mois sombres. Ces chiffres, plus élevés que dans le sud du Canada, illustrent les défis spécifiques auxquels font face les communautés nordiques.
Le rôle du changement climatique
À ces données saisonnières s’ajoutent aussi les effets du changement climatique. Les chercheurs du Nunatsiavut et d’autres régions circumpolaires observent que la météo devient moins prévisible : glace instable, périodes sombres prolongées, hivers plus humides. Ces transformations entrainent ce que les psychologues appellent l’écoanxiété, le deuil écologique ou un sentiment de perte lié aux changements du territoire.
Pour les peuples autochtones du Nord – notamment les Inuits, les Gwich’in et les Dénés – ces bouleversements représentent non seulement une menace matérielle, mais aussi une atteinte au lien culturel et spirituel avec la terre, un élément central du bienêtre mental.
Quelles solutions ?
Malgré ces défis, les habitants du Nord ont développé une forte résilience. Luminothérapie, sorties quotidiennes, même par faible luminosité, activités communautaires, rituels culturels, rythme de sommeil structuré : ces éléments jouent un rôle clé dans la prévention des symptômes saisonniers. Les psychologues recommandent également d’augmenter l’exposition à la lumière naturelle dès qu’elle est disponible, parfois pendant une courte fenêtre de quelques heures.
Des programmes communautaires, souvent axés sur la culture et la connexion au territoire, contribuent aussi à renforcer la santé mentale et l’identité collective.
Les recherches sont claires : lumière, saisons et climat influencent fortement la santé mentale dans le Nord canadien. En reconnaissant ces réalités et en soutenant des solutions adaptées aux cultures et environnements nordiques, il devient possible d’accompagner plus efficacement les communautés. Dans un monde où les saisons changent plus vite que jamais, comprendre cet équilibre fragile entre lumière et obscurité est essentiel pour protéger le bienêtre de ceux qui vivent au cœur du Nord.
