le Vendredi 5 Décembre 2025
le Jeudi 4 Décembre 2025 18:22 Arctique

Contamination de la mine Eagle Gold : un bouleversement pour le territoire de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun

Pour Dawna Hope, cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, « nous sommes encore en train de réagir pour voir ce que nous avons, mais nous ne savons pas jusqu’où ira la catastrophe tant qu’elle ne sera pas stabilisée ». — Photo Nelly Guidici
Pour Dawna Hope, cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, « nous sommes encore en train de réagir pour voir ce que nous avons, mais nous ne savons pas jusqu’où ira la catastrophe tant qu’elle ne sera pas stabilisée ».
Photo Nelly Guidici

La Première Nation Na-Cho Nyäk Dun fait encore face aux conséquences d’une contamination qui a bouleversé son territoire, ses pratiques culturelles et sa sécurité alimentaire. Entre deuil, incertitude et mobilisation, la communauté fait face avec une grande résilience.

Contamination de la mine Eagle Gold : un bouleversement pour le territoire de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun
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Près de 18 mois après l’accident de la mine Eagle Gold, les membres de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun (NND) ont perdu l’accès à une partie de leur territoire traditionnel. En effet, le ruisseau Haggart et la rivière McQuesten, proches du lieu de l’accident, ont été contaminés. Même si la présence de cyanure, de mercure et d’autres polluants a varié au cours du temps, les activités de pêche à l’ombre ont été suspendues depuis juin 2024. 

Les activités de trappe et de chasse dans cette zone ont aussi été interrompues. Pour Dawna Hope, cheffe de NDD, les citoyens sont toujours en phase de deuil et la situation reste compliquée, y compris pour les personnes ainées. Alors qu’il est encore trop tôt pour envisager d’éventuelles compensations, Mme Hope rappelle que le site sur lequel s’est produit l’accident n’est toujours pas stabilisé. « Tant que nous ne serons pas rassurés quant au retour à une situation stable, nous ne pourrons pas entamer ces discussions, a-t-elle expliqué lors d’une entrevue avec Médias ténois. Nous sommes encore en train de réagir pour voir ce que nous avons, mais nous ne savons pas jusqu’où ira la catastrophe tant qu’elle ne sera pas stabilisée. »

Contamination des sites de pêche

Lisa Rear est citoyenne de cette Première Nation et biologiste aquatique. Sa mission a principalement porté sur les effets de cette défaillance sur les pêcheries en aval et les sciences aquatiques. L’accident du 24 juin 2024 a été dévastateur selon elle et la confiance dans l’industrie minière a bien sûr été ébranlée. Mais l’aspect le plus critique est la perte de sources alimentaires et d’activités culturelles sur le terrain. 

Avec la contamination du ruisseau Haggart, la récolte d’ombres, organisée chaque année, a été annulée deux années de suite. Cette activité culturelle hautement traditionnelle permettait aux personnes ainées et aux jeunes de se réunir pour récolter des sources alimentaires traditionnelles. À cette occasion, le savoir traditionnel était aussi transmis à la jeune génération. D’autres activités culturelles comme la chasse à l’orignal sont également touchées.  

Mme Rear estime qu’une vraie rupture culturelle est en cours suite à l’accident et cette situation peut encore perdurer plusieurs années. « Il s’agit d’une zone de notre territoire traditionnel où nous ne pouvons pas nous rendre », déplore-t-elle. 

Nous sommes encore en train de réagir pour voir ce que nous avons, mais nous ne savons pas jusqu’où ira la catastrophe tant qu’elle ne sera pas stabilisée.

— Dawna Hope, Cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun

« Nos pires craintes se sont réalisées »

Le 21 juin 2024, soit trois jours avant l’accident, lors de la journée nationale des autochtones, NND avait organisé une cérémonie de l’eau au son du tambour. Lors de ce rassemblement, « les citoyens se sont vu rappeler que les rivières et les bassins versants sont comme nos matriarches, fortes, intactes et vivantes, souligne Mme Rear. Et lorsqu’une matriarche disparait ou est blessée, toute la famille en souffre, car les rivières, tout comme nos relations familiales, sont toutes interconnectées. »

Avec les conséquences de l’effondrement survenu sur le site de la mine, « nos pires craintes se sont réalisées », admet-elle. 

Alors que le bienêtre, la santé culturelle, spirituelle et mentale dépendent de l’eau propre, Mme Rear précise que le savoir traditionnel n’est pas uniquement lié à des données ou des observations : « Le savoir autochtone n’est pas toujours lié à un moment et à un lieu précis, mais il s’agit également d’une façon de penser et d’aborder les problèmes. »

Dans les jours qui ont suivi, NND a mis en place des groupes de travail en accord avec les valeurs de gouvernance autochtones. Ces groupes de travail techniques dont l’objectif était de réunir toutes les parties concernées ainsi que leurs connaissances techniques et leurs ressources comprenaient plusieurs ministères fédéraux et territoriaux, des consultants techniques soutenant le gouvernement du Yukon. 

En dépit de la contamination des cours d’eau en aval du site de l’accident ayant conduit à la fermeture d’un site de pêche de subsistance exploité depuis des décennies par NND, Mme Rear souligne que des aspects encourageants ont émergé. Parmi ces derniers, la proactivité de la Première Nation dans la mise en place de programmes de surveillance : « Je tenais vraiment à montrer ce que je considérais comme les aspects positifs d’une histoire, par ailleurs très déprimante, qui n’avait peut-être pas été racontée, indique-t-elle. Par exemple, le leadeurship dont a fait preuve NND pour faire avancer ces programmes, le partage ouvert des données et peut-être même les prémices d’une approche collaborative. »

Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.