La musique est un moyen de communiquer depuis la nuit des temps, c’est un fait bien connu. C’est en partant de cette simple constatation que Dale Marcell s’est retrouvé à Yellowknife la semaine dernière.
« Allez-y, ne soyez pas gênée, allez donnez un bon coup!» La dame dans la quarantaine, qui sort de son boulot, rougit un peu. Elle regarde Dale hésitante. Il lui tend le tam-tam et puis encouragée par le sourire de Dale, elle s’essaie à donner un premier coup, puis un deuxième et les coups s’enchaînent ensuite. « C’est un début, n’est-ce pas?» s’interroge t-elle. « C’est bien plus qu’un début madame. » lui répond le sympathique illuminé aux tam-tams de toutes les couleurs.
Dale Marcell vient de Kitchener en Ontario. Depuis qu’il a 16 ans il est joueur de tam-tam professionnel. Il a aujourd’hui 47 ans et c’est en frappant sur ses tam-tams qu’il gagne sa vie. Il a une compagnie, The Marcell School Of Drum, qui fait le tour des écoles, des prisons, des centres pour personnes en difficulté, et pas pour leur apprendre à jouer mais à communiquer.
« Je crois que les tam-tams sont un langage et nous les utilisons pour parler. Tout le monde parle ce langage. Il est parfois tellement difficile d’exprimer en mots notre colère. Je suis là pour montrer qu’il existe plus d’une façon de faire sortir ces émotions. »
Un jour, il reçoit un coup de file de Patrimoine canadien qui désire le rencontrer. Ils avaient entendu parler du travail de Dale et souhaitaient alors lui permettre de se déplacer dans le Nord du pays. C’est donc grâce à l’appui financier de Patrimoine canadien qu’il a pu passer la semaine dernière à Yellowknife et qu’il partait ensuite pour Iqaluit.
Il s’installe dans la rue et les passants intéressés s’arrêtent et entrent alors dans le cercle de tam-tams. « Un endroit où l’erreur n’existe pas », explique t-il.
Depuis sept ans, Dale et sa compagnie créé ce qu’ils appellent des cercles de tams-tam. Il s’agit de former une communauté de joueurs de tam-tams, où chacun réalise l’importance qu’il a au sein du groupe. Et les joueurs ne sont pas des pros. Au contraire, certains n’ont jamais touché à cet instrument auparavant.
Sa compagnie reçoit aussi plusieurs demandes précises de la part d’écoles ou de compagnies. Après le passage de Dale, les patrons d’entreprises et les enseignants restent bouche bée en constatant les changements. « Mes cadres ne marchent plus de la même façon, ils ont plus d’imagination et sourient d’avantage », de lui dire au téléphone un patron d’entreprise. Certains enseignants ont même décidé de faire frapper les jeunes turbulents sur un tam-tam plutôt que de les envoyer chez le directeur ou de les sortir de la classe. Paraîtrait-il que les jeunes sont alors calmes et attentifs pendant deux heures.
La musicothérapie existait déjà, mais Dale considère que sa façon de procéder est plus inclusive : « Tout le monde peut jouer du tam-tam, mais ce n’est pas la même chose pour la guitare.» Et si cette forme de thérapie fonctionne à tous coups, pourquoi personne n’y a pensé avant? lui ai-je demandé. Il sourit et me répond :« Beaucoup de gens y ont songé, mais ils se disaient que c’était bien compliqué. Nous voulons tous être des gens intelligents et avons tellement peur de nous tromper ou de prendre des risques. Pourtant, la réponse est si simple. »
Le risque, il l’a donc pris et le résultat est plus que concluant. Il reçoit des appels d’un peu partout à travers le monde, des investisseurs du secteur privé sont intéressés par ses projets et son agenda est plus que bien rempli. « Nous serons de retour l’année prochaine à Yellowknife. Cette fois ci, nous serons là plus tôt, pour faire le tour des écoles. » C’est un rendez-vous!
Et à ceux qui se plaisent à répéter qu’ils n’ont pas de rythme, Dale leur répondra : « As-tu un cœur qui bat? Alors pourquoi t’entêtes-tu à dire que tu n’as pas le rythme en toi? »
