La semaine dernière était la troisième semaine d’interrogatoires préalables dans la cause qui oppose la Fédération Franco-TéNOise et d’autres demandeurs aux gouvernements fédéral et territorial, ainsi que de plusieurs institutions territoriales. La poursuite, intentée en janvier 2000, porte sur les services en français offerts par le gouvernement des TNO et la responsabilité du fédéral dans ce dossier.La visite à Yellowknife du procureur Roger Lepage permet à deux dossiers d’avancer de quelques pas, soit celui du recours judiciaire de la Fédération Franco-TéNOise et celui de l’Association des parents ayants droit sur l’agrandissement de l’école Allain St-Cyr.
Le 8 et 9 septembre dernier, l’avocat de la FFT, Roger Lepage, a eu l’occasion d’interroger James Moore, représentant du gouvernement fédéral et David Hamilton, ancien greffier de l’Assemblée législative des TNO.
Ces interrogatoires ont lieu à huis-clos. Il est donc impossible de connaître la teneur exacte des questions et réponses entendues à cette occasion. « Pour simplifier, le fédéral dit qu’il a transmis la responsabilité de plusieurs secteurs au gouvernement territorial et que le GTNO a évolué au niveau de gouvernement responsable et autonome, donc distinct du gouvernement fédéral. Il faut donc regarder la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest », explique le procureur. « À sa défense, le gouvernement fédéral dit qu’il a signé une entente de financement, en 1984, dans lequel il s’est engagé à payer, à perpétuité, les coûts des services en français », poursuit M. Lepage.
« Quant à lui, le GTNO nie qu’il n’offre pas de services en français et prend la position qu’il respecte pleinement la Loi et que ses politiques et lignes directrices respectent aussi la Loi. De même avec l’Assemblée législative et la commissaire aux langues officielles des TNO », de mentionner l’avocat, qui ajoute que du côté de la communauté franco-ténoise, on prétend le contraire. « Il y a des gens qui disent qu’il est très difficile d’obtenir des services en français à l’hôpital Stanton, c’est presque impossible d’obtenir un permis de chasse en français, d’obtenir un permis de conduire en français, d’enregistrer la naissance d’un enfant auprès du GTNO en français et on produit seulement des actes de naissance en anglais et non en français ».
Quant à la possibilité d’obtenir une entente hors cours, M. Lepage rappelle que des conférences précédant le procès devront avoir lieu pour établir une date d’audience. « C’est à ce stade-là, devant un juge, que l’on essaierait de négocier une entente. Ma position, c’est que peu importe s’il faut aller à un procès et qu’il y a une décision du juge, il faudra que toutes les parties continuent à se parler pour mettre cette décision en œuvre ».
L’école
Roger Lepage a aussi profité de son passage dans la capitale ténoise pour rencontrer le conseil d’administration de l’Association des parents ayants droit, qui lui a commandé un avis juridique pour savoir si les parents ont un droit constitutionnel à demander l’agrandissement de l’école Allain St-Cyr. « Il y a un manque de services égaux à ce que l’on pourrait retrouver dans une école anglophone, dont notamment l’absence d’un gymnase, d’un laboratoire de sciences, d’un local de musique et d’une salle de rencontre », mentionne l’avocat qui remarque aussi qu’il n’y a pas de programme secondaire.
« M. Lepage trouve que l’on a un cas très fort pour que l’agrandissement se fasse avant 2006-2007, ce que prévoit la commission scolaire », de déclarer la présidente de l’APADY, Yvonne Careen, au terme de la rencontre. Cette dernière a déposé cet avis juridique à la Commission scolaire de division le 17 septembre.
Disant que c’est la première fois qu’il entend parler d’un avis juridique, le président de la CSFD, Jean-François Pitre, dit attendre de recevoir ce document avant de décider ce qu’il en fera. Ce dernier trouve dommage que l’APADY ait procédé sans d’abord en parler avec la communauté.
« L’APADY pense que le GTNO ne veut pas agrandir l’école, mais le gouvernement n’a pas dit qu’il ne le ferait pas », ajoute le président qui craint que si le dossier se retrouve au niveau judiciaire, les négociations ne soient interrompues.
Quant à M. Lepage, il préfère tenir pour acquis que le GTNO « répondra à ses obligations constitutionnelles ». « Si on peut monter un dossier qui démontre qu’il y a vraiment une lacune en terme d’édifice, qu’il y a un nombre suffisant et que la CSFD veut aller de l’avant, je pense que le dépôt d’un recours judiciaire, s’il est nécessaire, ne devrait pas retarder le dossier, au contraire, ça démontrerait le sérieux des parents. Il faut espérer que le GTNO, dans cette situation, respecterait cette ordonnance ».
Présentement, environ 80 élèves fréquentent l’école Allain St-Cyr. Le ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation dit que l’école peut actuellement accueillir 135 élèves. « Le GTNO semble vouloir appliquer les normes de la majorité pour la minorité francophone. La jurisprudence dit que ce n’est pas réaliste si on n’arrive pas à une égalité en terme de résultat », ajoute l’avocat. De son côté, le président de la Commission scolaire fait remarquer que ces normes ne s’appliquent pas qu’à l’anglais et au français, mais à toutes les langues des Territoires du Nord-Ouest. « Si le gouvernement nous dit oui, il devra le dire à toutes les autres », précise M. Pitre.