« Je pense qu’il est nécessaire que l’on soit fier d’être humain. Je pense que si on veut sauver la planète et être gentil, c’est qu’on veut être fier de faire partie de l’humanité », laisse entendre l’auteure de la collection Familles du monde, une série de livres racontant la vie de différentes familles provenant de tous les pays.
« J’ai décidé que j’irais dans tous les pays du monde pour visiter une famille qui représente le plus près possible les conditions de vie de la majorité au point de vue des statistiques », explique celle qui passe, en moyenne, quatre jours par famille visitée. Habituellement, elle passe une journée avec la mère, une journée avec le père et une journée avec les enfants. Ensuite, elle raconte, de manière toute simple, le quotidien de ces gens qui vivent, parfois, dans des conditions inimaginables pour un Nord-américain moyen.
Sauf que Mme Tremblay voit surtout des similitudes entre les familles qui composent le monde. C’est d’ailleurs ces ressemblances dont l’auteure veut faire la promotion. « Les différences font peur. En faisant la promotion des similarités, un jour, on va désirer les différences et ne pas se contenter de les tolérer », croit-elle.
C’est dans l’humain que Mme Tremblay constate les plus grandes ressemblances. « Le soleil et la lune sont les mêmes sur toute la planète. Les gens se lèvent au début de la journée, on a un bébé qui pleure, les enfants partent pour l’école, on prépare la bouffe. On se couche le soir et si tout s’est bien déroulé, nous sommes contents de nous coucher. Les enfants sont les mêmes, un bébé demeure un bébé et ils font tous la même chose et les mamans sont toutes obligées de faire les mêmes choses devant les mêmes situations ».
Pour illustrer son propos, Hélène Tremblay raconte son séjour dans le Nord de la Chine, alors qu’elle habitait dans les rochers avec une famille. Le fils était fiévreux et s’était couché pour se reposer, le père a déclaré, tout en jetant un œil sur sa progéniture : « Il n’y a pas un homme au monde qui aime son fils comme j’aime le mien ». « Je suis allée aussi loin pour apprendre la même chose que j’entends partout ! » de commenter l’auteure.
Celle-ci se souvient aussi de la mère de cette famille qui était une artiste de grand talent. Sa fille voulait suivre les traces de sa mère. « La mère ne voulait pas, elle disait que ça n’amenait pas de pain sur la table. J’avais l’impression d’entendre ma mère ! En réalité, c’est la même chose partout, les conflits entre les parents et enfants se ressemblent et le placotage entre les voisins aussi… ».
De ce constat, Hélène Tremblay a d’ailleurs élaboré sa propre théorie. Selon elle, le plus grand pouvoir, sur la Terre, se résume en une phrase : « Qu’est-ce que le voisin va dire ? ». « Je suis convaincue qu’il y a des pays dans le monde qui sont bloqués dans leur développement à cause de cette phrase-là » d’opiner l’aventurière qui a visité 114 pays au cours des 20 dernières années.
Aucune fois, malgré toutes les situations dans laquelle elle s’est retrouvée, Hélène Tremblay n’a regretté le projet. « Même en Papouasie, alors qu’il y avait la guerre tribale, je ne me posais pas de question parce que je choisis mes familles et j’accepte les situations. Je sais toujours que c’est pour trois ou quatre jours et que je vais retrouver mon monde. S’il y a de la nourriture que je n’aime pas, ce n’est pas si grave. On ne meurt pas à manger quelque chose qu’on aime pas pendant quatre jours », dit-elle.
Elle admet cependant que dans certaines situations, elle avait bien hâte de retrouver le luxe de sa chambre d’hôtel ou de son chez-soi, par exemple, en Papouasie. « Je n’en pouvais plus, j’avais les nerfs en boule. C’était tellement sale, nous vivions avec les cochons. Nous étions dans la poussière, autour du feu, sans eau… après quatre jours, je ne pouvais plus me supporter ! Quand je suis dans des situations comme celles-là, il est vrai que ce n’est pas si merveilleux ».
Mais c’est surtout pour les interprètes qu’elle embauche que les choses peuvent devenir compliquées. « Souvent, dans certains pays, les gens qui connaissent d’autres langues que la langue nationale sont des gens privilégiés, qui ont pu aller à l’école. Ils viennent donc de familles plus aisées. Quand tu arrives à la campagne et qu’il faut que tu t’assoies par terre et que tu te salisses autour du feu et que les interprètes sont là avec une belle robe et qu’elles ne veulent pas se salir, ça devient gênant. Souvent, les familles sont plus embarrassées par l’interprète que par moi », dit-elle.
Et Mme Tremblay est sévère face aux interprètes qu’elle engage. Ses interprètes doivent être des femmes. « En Ouganda, le gars ne voulait même pas entrer dans la cuisine parce que les hommes n’y ont rien à faire. Pourtant, quand on cuisine, c’est un moment idéal pour jaser ! Maintenant, je dis que je veux une femme interprète et je veux qu’elle soit capable de se salir. Je ne veux pas de princesse comme interprète ! », dit-elle.
Après avoir fait un livre sur les Amériques et les Caraïbes, suivi d’un livre sur l’Est et le Sud-Est asiatique, incluant le Pacifique, en plus d’une série pour enfants et d’une série sur l’Afrique, Hélène Tremblay rêve maintenant de visiter les familles du monde circumpolaire. « J’ai fait le Groenland, la Laponie, et l’Islande, mais je n’ai pas visité les Inuits du Canada. Ensuite, il ne me resterait que la Russie. Je pourrais alors vraiment avoir un regard sur les communautés du Nord. Ce serait une recherche de financement complètement différente et je ne connaissais pas la route pour la faire. La vie m’a amenée ici et je me demande maintenant pourquoi j’avais mis ça de côté. Maintenant que je connais la porte d’entrée, peut-être que j’aurai l’occasion de revenir. Je pense que les gens en Afrique aimeraient beaucoup lire là-dessus », dit-elle.
Mme Tremblay était à Yellowknife, la semaine dernière, pour prononcer une conférence à la Bibliothèque publique de la capitale et s’entretenir avec les élèves de plusieurs écoles.
