En 1999, la Fédération Franco-TéNOise (FFT) commandait l’étude Polaroïd, qui faisait l’évaluation des services offerts en français dans les institutions du gouvernement territorial. Les résultats de cette étude avaient mené au dépôt d’une poursuite judiciaire contre les gouvernements territorial et fédéral.
En juin 2003, la FFT décide de répéter l’expérience. Une intervieweuse de la Société d’études et de conseil ACORD a alors appelé une soixantaine d’agences et de bureaux territoriaux en s’adressant à eux en français. On faisait une demande par bureau. Un mois plus tard, la même firme faisait l’exercice avec des agences et ministères fédéraux situés aux Territoires du Nord-Ouest.
« Nous voulions valider et confirmer, de manière quasi-scientifique, les prétentions de plusieurs membres de la communauté francophone concernant l’offre de services en français dans les TNO de la part des deux niveaux de gouvernement. Ces appels ont été effectués lors de journées très régulières, dans les circonstances que l’on peut juger comme étant les plus réalistes possibles », explique le directeur général de la FFT, Léo-paul Provencher.
Au chapitre du gouvernement territorial, il a été possible d’obtenir un contact personnel dans 48 bureaux sur 60. « Tous, sans exception, l’ont accueillie (l’intervieweuse) en anglais seulement. Il en va de même de la langue utilisée par les boîtes vocales auxquelles elle a abouti dans les 12 autres bureaux », peut-on lire dans le rapport.
« Dans les 47 bureaux où la communication s’est poursuivie au-delà de la formule d’accueil, huit répondants seulement (17%) ont pu lui répondre en français, dont quatre avec difficulté », poursuit-on. L’intervieweuse a été répondue 39 fois en anglais et à 31 occasion, on l’a incitée à s’adresser à l’interlocuteur en anglais, dont une fois « avec un ton et des mots rudes ». Enfin, dans les 41 cas où une requête a pu être effectuée en personne, l’événement s’est produit en français 13 fois et en anglais 28 fois.
Quant à la disponibilité du produit demandé, dans 24 % des situations, il était immédiatement disponible en français ou dans les deux langues. Dans 10 % des cas, le répondant ne pouvait dire s’il était disponible en français. Le produit n’était disponible qu’en anglais pour 14 demandes et dans sept cas, l’intervieweuse a été référée aux sites Internet de l’agence ou du ministère, qui sont tous rédigés en anglais. Pour six cas, on a mentionné que le produit n’était pas disponible ou demandait une recherche plus approfondie.
« Si ça confirme une évolution, dans l’offre de services, nous sommes dans une situation très critique et difficile, dit Léo-Paul Provencher, et ça appuie d’autant plus nos démarches pour obtenir des corrections rapides et rétroactives ». L’étude confirme ce constat, puisqu’en 1999, 40 % des requêtes avaient pu être effectuées en français et 58 % avaient dû l’être en anglais. Ces chiffres sont passés respectivement 32 % et 68 % en 2003.
Au niveau territorial, « la principale conclusion qui s’impose est que l’offre de services en français n’est pas tellement plus efficace en 2003 qu’elle ne l’était en 1999. Il s’agit, dans le meilleur des cas, d’une offre passive et qui exige du demandeur une patience ou une persévérance particulières », lit-on en conclusion. Le rapport ajoute que l’obtention du service en français dépend beaucoup de la présence d’un employé francophone dans le bureau » et que « l’obtention du produit demandé reste plus qu’aléatoire ».
Au niveau fédéral, une trentaine de bureaux et d’agences ont été contactés à travers les TNO. Tous sont identifiés comme étant bilingues par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Au cours de cette étude, l’intervieweuse a pu placer sa requête auprès de 19 bureaux, 15 fois en personne et quatre fois dans une boîte vocale. Celle-ci signale que dans plusieurs cas, elle a été référée en Alberta.
Le rapport conclut donc qu’au niveau du gouvernement fédéral on « se montre, de façon générale, plus attentif aux demandes de services en français. Il semble assez largement acquis qu’on peut adresser des demandes en français aux bureaux du gouvernement fédéral ». On indique d’ailleurs qu’aucune résistance ou agressivité face à de telles demandes n’a pas été perçu, « comme dans certains bureaux du gouvernement territorial ».
Les auteurs du rapport remarquent, par contre, que peu de bureaux semblent équipés et dotés des ressources humaines adéquates pour répondre à de telles demandes. Ces derniers parlent même de « moyens de fortune » et « d’improvisation ». « En fin de compte, la qualité du service obtenu après des bureaux visés peut être jugée « peu satisfaisante ».
Du côté du gouvernement territorial, pour qui l’étude semble accablante, on refuse de commenter l’Opération Polaroïd 2. La directrice des Affaires publiques du ministère de l’Éducation, de la culture et de la Formation, Sue Glowach, a mentionné que le rapport serait traduit avant d’être étudié à l’interne par le ministère. Même après son étude, celle-ci mentionne qu’aucun commentaire ne serait divulgué, puisqu’il s’agit d’un dossier qui est présentement devant les tribunaux.