le Jeudi 27 novembre 2025
le Vendredi 16 janvier 2004 0:00 Culture

La boîte d’Alicia Grande première pour bientôt

La boîte d’Alicia Grande première pour bientôt
00:00 00:00

En 2001, pour la période des fêtes, France Benoit visitait ses beaux-parents, à Kelowna, en Colombie-Britannique. Celle-ci tombe alors sur une mystérieuse boîte provenant apparemment de Cuba et contenant divers souvenirs de famille comme des photos, des albums de bébé et même une touffe de cheveux que contenait une enveloppe jaunie par le temps.

France décide alors d’entamer les recherches pour retrouver à qui appartenait cette boîte qui provenait, en fait, d’une famille cubaine qui avait quitté Cuba dans les années qui ont suivi la révolution socialiste. France apprend que les grands-parents de son mari, Doug Ritchie, travaillaient à l’Ambassade canadienne à La Havane au moment de la révolution. S’étant lié d’amitié avec cette famille, le grand-père de Doug utilisa son statut diplomatique pour servir de liaison entre Alicia, exilée aux Etats-Unis et ses parents, toujours à Cuba.

Mais il fallait tout de même retrouver Alicia, vers qui les indices que l’on retrouvait dans la boîte se dirigeaient. « J’ai ramené la boîte ici. J’ai tout épluché. J’ai vu les albums de photos, les albums de bébé et tout ce qui y était écrit et j’ai réussi à retracer la femme à qui ça appartenait. La mère d’Alicia s’appelait Ruby. Elle était Américaine, ce qui expliquait que les livres étaient écrits en anglais. Au fil des années, Ruby remplissait une page avec toutes les écoles que sa fille, Alicia, avait fréquentées. La dernière entrée était un collège dans l’état de New York. J’ai contacté l’association des anciens de ce collège où l’on m’a confirmé qu’Alicia avait gradué en 1949 et qu’elle donne, chaque année, de l’argent au collège et qu’ils ont donc toujours une adresse courante pour elle, à Puerto Rico », raconte France Benoit.

En 2001, France avait quitté son emploi dans la fonction publique ténoise et était à la recherche de nouveaux défis. Elle décide alors de tourner un film-documentaire sur cette boîte et son périple. « Au début, je pensais écrire là-dessus. Je pensais qu’il y avait beaucoup d’intrigues sur Alicia et comment elle et sa famille sont sortis du pays. Mais ce ne sont pas des mots qui me venaient en tête, c’était des images. De là, j’ai eu l’idée de faire un film. Je n’avais aucune expérience au niveau de la recherche, du scénario, du montage, du choix de la musique… Heureusement, WAMP (Western Arctic Moving Pictures) venait d’être fondé. Ils m’ont beaucoup aidé », de poursuivre France, qui a investi deux mois de recherche avant de prendre contact avec la fameuse Alicia.

« Quand j’ai contacté Alicia, il y avait beaucoup d’émotions. On riait et pleurait toutes les deux. Elle était sous le choc. Je n’appelais pas de la maison d’à côté. J’appelais de Yellownife, Territoires du Nord-Ouest ! Elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi elle n’avait pas reçu cette boîte. Le mystère demeure à savoir pourquoi le grand-père de Doug n’a pas envoyé cette boîte ou, si elle a été envoyée, pourquoi elle ne s’est jamais rendue à destination », continue France Benoit, passionnée par cette histoire.

Après avoir reçu un appui financier du Conseil des arts des TNO, la nouvelle cinéaste peut embaucher un caméraman et se rendre porter la boîte, en personne, à Alicia, à San Juan, Puerto Rico. Ensuite, l’équipe de tournage s’est rendue à La Havane, où ils ont pu filmer l’ancienne maison d’Alicia, qui avait quitté cet endroit, en compagnie de ses trois enfants, en 1961.

Le documentaire résultant de l’épopée d’Alicia, de sa boîte et de la cinéaste, dure 38 minutes. « Le documentaire examine le parcours de deux femmes : moi-même et Alicia. Je suis le cheminement que j’ai parcouru dans mes recherches. Au début, il y avait tellement de différences entre nous deux. L’âge, d’abord, qui est évident. Ensuite je vis dans la forêt boréale, alors qu’elle est encrée dans le Sud. Après s’être rencontrées, avoir beaucoup parlé et échangé, je conclus que nous avons beaucoup de similarités et, comme le dit la fille d’Alicia au cours d’une entrevue, nous sommes tous reliés par la veine de la vie ».

Dernièrement, France est revenue de Montréal où elle a complété la post-production à l’Office nationale du film. « Ils étaient tout à fait étonnés, là-bas, de voir le soutien technique et moral que j’ai reçu à Yellowknife et de voir qu’il y a tellement de gens qui travaillent dans ce domaine, ici, avec professionnalisme. À l’ONF, on était aussi surpris de voir que j’en étais à mon premier film et qu’il y avait une telle attention au détail, ce qu’ils ne voient pas souvent de la part d’un réalisateur à ses débuts ». À Montréal, l’ONF a contribué à faire un « montage international » du film. « Je vais chercher des fonds pour en faire une version espagnole », mentionne la réalisatrice.

La première en français de « La boîte d’Alicia », sera présentée à 19 h 30, le 23 janvier, à la Northern United Place. Le lendemain, à la même heure, on fera la présentation du film en anglais. Par la suite, France Benoit prendra la route. Des représentations en français sont prévues le 26 janvier à Edmonton, le 1er février à Winnipeg, le 5 février à Calgary et le 6 février à Kelowna. Le film sera aussi présenté, dans ses deux versions, au Rendez-vous du cinéma québécois et francophone de Vancouver, qui se tiendra du 1er au 10 avril.

France Benoit continue aussi à envoyer des copies du film au plus grand nombre de festivals possibles. « J’ai aussi eu des contacts avec des télédiffuseurs pour vendre le documentaire au Canada, aux États-Unis et en Europe. La réaction est positive. C’est une belle histoire et les gens ont le goût de se faire raconter de belles histoires. Cette famille a passé à travers plusieurs drames, mais ses membres en sont toujours ressortis plus forts, surtout les femmes », de conclure la cinéaste, qui ne ferme maintenant pas la porte à d’autres projets cinématographiques.