C’est armé de l’un de ces poteaux utilisés pour identifier les concessions minières que le Grand chef des Premières nations du Deh Cho, Herb Norwegian, s’est présenté devant la presse, le 23 janvier dernier. « Pour envoyer un message clair au ministre à l’effet que nous attendons toujours une réponse et pour démontrer que nous allons de l’avant », M. Norwegian a décidé de poster l’un de ces poteaux au nouveau ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, Andy Mitchell. En fait, les trappeurs de la région reçoivent 100 $ par poteau appartenant à Mme Bernier qui est ramené aux bureaux des Premières Nations du Deh Cho.
Le Grand chef Norwegian a laissé entendre que, « pour l’instant », c’est seulement les poteaux de jalonnement de Maureen Bernier qui étaient touchés.
Rappelons que ces concessions minières, dont plusieurs sont situées à l’endroit exact où l’on a prévu la construction d’un éventuel gazoduc, ont été accordées à Maureen Bernier, épouse de Paul Bernier, vice-président de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. C’était lui qui représentait cet organisme lors de l’élaboration du Plan de coopération visant à établir une collaboration entre toutes les agences et offices qui auront la responsabilité de réviser la proposition de gazoduc.
Les Premières Nations du Deh Cho ont toujours dénoncé le fait qu’elles avaient été exclues de ce processus. Selon elles, les allégations de conflit d’intérêt viennent maintenant biaiser le Plan de coopération et elles demandent donc à ce que la révision soit effectuée par un Comité mixte de révision qui comprendrait des représentants du Deh Cho, de même que de l’Office nationale de l’énergie, de l’Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie, le ministre de l’Environnement (représentant le gouvernement du Canada) et les Inuvialuits.
Un poteau de jalonnement de Mme Bernier est d’ailleurs accompagné d’une proposition d’Accord menant à la création de ce comité mixte. Selon Peter Cizek, conseiller en gestion foncière des Premières nations du Deh Cho, le présent Plan de coopération comporte plusieurs lacunes, notamment en matière de clarté dans les politiques et directives opérationnelles de l’évaluation, de suivis, de préalables prévus à la législation, de participation du public et de financement adéquat pour ce faire et des principes du développement durable. « On parle des préoccupations en matière de biodiversité, selon les engagements internationaux du Canada », a-t-il fait valoir.
« La question du Deh Cho est de savoir pourquoi cet accord sur les impacts environnementaux, négocié pour le plus gros projet industriel à avoir été connu aux TNO, est si en deçà des normes ? Nous nous demandons certainement quel rôle Paul Bernier a joué dans cet accord ? », a-t-il renchérit.
Le document avait été envoyé à Ottawa, il y a déjà plusieurs semaines, mais aucune réponse n’est encore parvenue aux Premières Nations du Deh Cho. « Plus le Canada attendra sur le sujet, plus il y aura de poteaux d’enlevés », a mentionné Herb Norwegian qui, questionné sur la légalité du geste, a rétorqué qu’il était aussi illégal de poser des réclamations minières sur les terres Deh Cho sans qu’aucune permission ne leur soit demandée.
M. Cizek rappelle aussi que les concessions minières de Mme Bernier ont été renouvelées pour une autre année, ce qui incite les Premières Nations du Deh Cho à prendre action. Du côté d’Ottawa, on fait savoir que l’enquête au sujet de Paul Bernier est complétée et que le président de l’Agence canadienne d’évaluation environnementale procède présentement à l’étude du rapport. Selon la porte-parole de l’organisme, Élise Dhaussy, le rapport d’enquête et une réponse du président seront rendus publics après que le document aura été traduit et que l’on se sera assuré qu’il n’enfreint pas la Loi d’accès à l’information et la Loi sur la vie privée.