Ça parlait français au Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles de Yellowknife, dimanche dernier ! C’était le vernissage de l’exposition « Paysages divers », un projet né à Chicoutimi, au Saguenay-Lac-St-Jean.
À l’Université du Québec à Chicoutimi où elle enseigne le design, la curatrice de l’exposition, Elizabeth Kaine, s’est intéressée à l’apport des Autochtones à sa discipline. Les designers modernes, estime-t-elle, gagnent à étudier la façon dont les objets étaient traditionnellement conçus. Une opinion presque révolutionnaire dans ce domaine dominé par l’avant-gardisme.
« J’ai été formée dans une école de design moderniste et dans ces écoles l’approche c’est que l’histoire du design commence au XXe siècle avec l’arrivée de la mécanisation et de la modernité. Tout ce qu’il y avait avant n’a pas de valeur dans l’histoire du design. Alors j’ai voulu intégrer dans mon enseignement les grandes qualités du design autochtone », raconte celle qui est elle-même une Métisse de Wendake dans la région de Québec.
Depuis plus d’une dizaine d’années, donc, Elizabeth Kaine et ses étudiants se consacrent à développer ce courant paléo-moderne, si l’on puit dire, et « Paysages divers » en est la synthèse.
Au départ, les pièces exposées au Centre du patrimoine septentrional formaient trois expositions distinctes : une sur les travaux de designers modernes inspirés par le design autochtone, une autre plus archéologique où les objets du passé étaient étudiés sous la lorgnette des designers et une troisième qui présentait les travaux de jeunes Innus et Inuits du Nunavik à qui l’on avait donné une petite formation en design. « Paysages , explique la curatrice, c’est un condensé de tout ça. »
L’ensemble est éclectique. Des objets inusités, comme le Convertisseur de perceptions de l’artiste Jean-François Filion, côtoient des manteaux inuits, de l’artisanat autochtone ou encore l’Enveloppe pour transporter mon couteau et mon harpon quand je vais à la chasse du jeune Larusie Tukai. De superbes photos et un vidéo sur les communautés autochtones d’aujourd’hui sont également au programme
Qualités
Ce que tente de démontrer cette exposition, c’est que les objets autochtones possèdent des qualités que l’on ne retrouve pas en design contemporain. Par exemple, ils sont plus durables. « On n’est pas dans des cultures du acheter-jeter. Ce sont des cultures où l’on conserve le plus longtemps possible un objet parce que ça demande beaucoup d’énergie de les faire », commente Mme Kaine.
« Dans les pratiques modernes de design on a complètement désincarné les objets, peste-t-elle. On a occulté les aspects magiques ou personnels parce qu’on cherchait le standard parfait. On cherchait à faire un objet pour tous qu’on puisse produire en série le plus économiquement possible. » Mais en design autochtone l’objet est unique et conçu pour celui qui l’utilise, d’où une approche beaucoup plus émotive.
Ce sont aussi parfois des objets plus performants que leurs versions modernes. Sur la plaque qui accompagne un manteau inuit, on peut ainsi lire que « la membrane d’intestin de baleine est un matériau supérieur au plastique puisque, tout en étant imperméable, elle permet l’évaporation et la transpiration. »
Le directeur artistique du musé, Terry Pamplin, dit avoir tout de suite été intéressé par l’approche originale de cette exposition. « je suis fasciné par l’art contemporain, c’est d’ailleurs l’art que je pratique quand je ne travaille pas au musé et l’idée de s’inspirer d’artefacts afin de créer quelque chose de tout à fait nouveau m’a charmé immédiatement », dit-il.
L’exposition « Paysages divers » est présentée au Centre du patrimoine septentrional Prince-de-Galles jusqu’en décembre. Elle sera ensuite transportée à Toronto, puis Montréal.
