C’est désormais clair, les députés des TNO supportent le Projet gazier du Mackenzie. Ce que tout le monde savait déjà a été entériné par une motion votée à la majorité, le 21 octobre.
Proposée par la députée de Hay River South, Jane Groenewegen, ladite motion stipule que « cette Assemblée législative approuve le Projet gazier du Mackenzie et supporte les efforts qui assurent aux Ténois des bénéfices nets substantiels de tels projets ; et, de plus, que l’Assemblée législative presse le gouvernement fédéral de négocier une entente équitable sur le partage des revenus provenant des ressources naturelles […] afin de s’assurer que les gens des Territoires du Nord-Ouest sont les premiers bénéficiaires de la mise en valeur de nos ressources. »
L’objectif de cette motion était clairement de prendre position en prévision de la rencontre du premier ministre, Joe Handley, avec le premier ministre canadien, Paul Martin. Handley était en effet à Ottawa, du 22 au 26 octobre, à l’occasion de la conférence des premiers ministres sur la péréquation et le partage des revenus. « Nous voulons envoyer notre premier ministre à Ottawa armé d’un message fort. Le développement du gazoduc du Mackenzie est imminent et nous avons besoin que le gouvernement fédéral pose un geste clair pour assurer que les gouvernements du Nord réaliseront des bénéfices de ce projet », a déclaré Mme Groenowegen pour appuyer sa proposition.
Lors de son discours sur l’état des finances, il y a deux semaines, le ministre des Finances, Floyd Roland, avait clairement signifié qu’il s’attendait à ce que de l’argent frais entre dans les coffres territoriaux à l’issue de cette rencontre.
Débat
Décidément les questions soulevées par cette déclaration touchaient les députés de plein fouet. Avant qu’elle soit adoptée, pas moins de dix d’entre eux, c’est-à-dire plus de la moitié, ont tenu à exprimer leur position. Les discours étaient passionnés. La question du partage des revenus et de la dévolution est probablement le sujet qui soulève le plus les passions des élus. L’an dernier, alors qu’Ottawa empochait 200 millions de dollars à même les redevances sur les ressources extraites dans les TNO, le gouvernement territorial ne touchait guère plus que huit millions de dollars.
Le député du Sahtu, Norman Yakeleya, a secondé la motion et a donné son appui au nom des petites communautés. « Allez voir dans nos petites communautés, a-t-il dit, on dirait le tiers-monde. […]Le gouvernement fédéral utilise la manière forte contre nous et il est plus que temps que nous nous asseyons avec eux comme des partenaires égaux. »
Dans un discours très senti, Kevin Menicoche, du comté de Nahendeh, a évoqué l’Oléoduc de Norman Wells construit en 1985. « J’étais un jeune homme alors. C’était vers 1983. Je sortais tout juste de l’école et on parlait du premier oléoduc, à l’époque. J’y étais très opposé, car il s’agissait de la terre sur laquelle j’avais grandi et de laquelle je vivais. Je savais aussi quels bénéfices nous en retirerions. Alors j’ai combattu avec tout le monde en disant “vous n’allez pas passer ce machin sur notre terre sans nous donner de bénéfices importants à long terme”. Alors nous nous sommes tenus debout et nous avons bataillé. Et nous avons perdu la bataille… C’était dans l’intérêt national. […] Je voudrais que les gens sachent que cette fois nous ne ferons pas ça. Nous devons avoir une meilleure approche et le gouvernement devra nous aider. »
La députée de Range Lake, Sandy Lee, a elle aussi apporté son appui à la motion mais avec certaines réserves. Elle a évoqué le besoin d’une entente sur la dévolution des pouvoirs exercés par Ottawa vers les Territoires qui doit, selon elle aller de pair avec le partage des revenus des ressources. « Le ministre de l’Énergie des TNO siège à Ottawa, a-t-elle ironisé. L’énergie, les mines, le travail et tous ces secteurs importants qui ont un impact sur le type de décision que nous prenons, sur ce que nous voulons faire et sur ce que nous pouvons faire, nous n’avons pas de juridiction sur eux. […] En tant que Législature, nous ne devons pas perdre de vue le fait que ce dont nous avons réellement besoin c’est d’une dévolution qui nous donnerait des pouvoirs semblables à ceux des provinces. C’est le temps, nous sommes prêts et nous en sommes capables. »
Le député de Great Slave, Bill Braden, a été le seul à se prononcer contre la motion. Bien que son discours recoupait sensiblement l’opinion de ces collègues, à savoir que les TNO doivent obtenir des revenus plus substantiels contre les ressources extraites ici, il a voté contre pour signifier son désaccord face à « la mollesse » de la motion. « Je ne suis pas opposé aux mots sur lesquels nous délibérons, a-t-il dit, mais si le désir de l’Assemblée est de faire quelque chose de proactif et de changer la situation, alors nous n’allons pas assez loin. » Selon lui, le gouvernement territorial et les gouvernements autochtones doivent se rencontrer afin d’établir une position claire à partir de laquelle négocier. « C’est une négociation et si nous ne sommes pas assez clairs sur ce que nous voulons, nous ne l’obtiendrons pas », a-t-il ajouté lors d’une entrevue accordée à L’Aquilon.
Alors que le premier ministre Handley, était encore à Ottawa, Bill Braden a confié ne pas être optimiste face à cette rencontre. « Il n’y aura pas de geste concret parce que nous n’avons pas été assez clairs, parce que nous n’avons pas été assez fermes », a-t-il prédit.
Le premier ministre, enfin, a réitéré son optimisme face à la bonne foi du gouvernement Martin. « Les rencontres qui auront lieu a Ottawa, a-t-il conclu, vont surtout porter sur notre formule de financement territorial et sur la mise à niveau avec les provinces. Mais nous aurons aussi l’opportunité de rencontrer des ministres pour leur parler des revenus provenant des ressources. Nous aurons aussi la chance de parler avec le premier ministre du Canada à propos de la vision pour le Nord. […] J’apprécie très sincèrement les déclarations que nous faisons aujourd’hui et je peux vous garantir qu’on les entend à Ottawa. »