le Vendredi 28 novembre 2025
le Vendredi 11 février 2005 0:00 Culture

Un cas lourd

Un cas lourd
00:00 00:00

Imaginez une vie entière passée dans le mensonge. C’est celle de Jean-Claude Romand.

Le 9 janvier 1993, il a tué sa femme, ses enfants et ses parents. Puis, il a tenté, en vain, de s’enlever la vie. L’enquête sur ce quintuple homicide a mis à jour son terrible secret : il n’était pas médecin comme il le prétendait. Il n’était rien du tout.

Jean-Claude Romand a passé près de 20 ans terré dans une vie imaginaire. Tous les jours, acteur de son propre mythe, il se donnait en spectacle à sa famille qui le présumait authentique. Plutôt que d’être démasqué, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait plus supporter le regard.

Cette histoire sordide est malheureusement vraie. Elle a défrayé la chronique des quotidiens français. Tout le monde en a parlé. L’écrivaine Emmanuelle en a fait un livre. Ce fut un best-seller.

En 2002, l’histoire qui a choqué la France fait l’objet du cinquième long-métrage de la réalisatrice Nicole Garcia (Place Vendôme). L’Adversaire est à l’image du meurtrier dont il relate la déchéance : insondable, dérangé et terriblement angoissant.

Alors que pour raconter un fait vécu, il est d’usage d’engager des inconnus, Garcia, elle, a misé sur une vedette. C’est Daniel Auteuil (Le Placard, La Reine Margot) qui joue le mythomane. Ce choix n’est pas innocent. En effet, alors que ce type de film est plus souvent qu’autrement tourné dans un esprit de réalisme, la réalisatrice née en Algérie nous présente plutôt le caractère fabuleux du récit.

Pour ne pas s’embourber dans les balises exiguës des faits, celle qui signe également le scénario a pris la liberté de les manipuler. Jean-Claude Roman est devenu Jean-Marc Faure. Les scènes qui resteront à jamais emprisonnées dans la tête de l’assassin ont été imaginées. La brutalité de la supercherie est restée la même. Daniel Auteuil est juste comme toujours. Son jeu est oppressant d’intensité. En ne parlant pourtant presque pas, il nous plonge habilement dans la cervelle du détraqué. Nonchalamment, il décortique la mécanique funeste de cette folie.

En prologue, le film s’ouvre avec cette réflexion qui en résume bien le propos : « Il y a pire qu’être démasqué, ne pas être démasqué. » Garcia s’y accroche avec parfois un peu trop de ferveur. Mais elle nous accroche aussi en même temps… même si nous savons la fin.

L’Adversaire sera projeté à l’école Allain St-Cyr, mercredi le 16 février prochain, à 19 h 30. Bientôt à l’affiche du Ciné-club