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le Jeudi 23 juillet 2020 15:53 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Arctique

Quand le commerce en ligne débusque le talent autochtone

Quand le commerce en ligne débusque le talent autochtone
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Si, pendant la pandémie de COVID-19, les achats en ligne ont fait un bond au Canada, certains entrepreneurs autochtones, déjà présents sur Internet, ont vu une forte hausse de leur chiffre d’affaires.
Joella Hogan est membre de la Première Nation Na-Cho Nyak Dun à Mayo, au Yukon, et propriétaire de l’entreprise de savons artisanaux Yukon Soaps Company depuis 2011. Elle se remémore cette période de confinement : « C’était complètement fou, tout le monde au Canada achetait sur Internet et j’avais jusqu’à 20 colis par jour à envoyer partout dans le pays. »
Même si elle admet que le volume des ventes a maintenant un peu diminué, près de 75  % de ses commandes proviennent aujourd’hui des États-Unis.  

Une boutique virtuelle pour les Tli?chos  
Pour Giselle Marion, gérante du magasin Tli?cho Online Store, avoir une présence uniquement sur Internet présente des avantages : « Ouvrir un magasin en ligne est plus facile parce qu’il y a moins d’investissement [que pour une boutique avec une adresse physique] par exemple en ce qui concerne le stockage. »
Née de la volonté commune du gouvernement Tli?cho et des Services communautaires Tli?cho, la boutique virtuelle qui a commencé ses activités en 2008 a pour but de promouvoir la culture tli?choe et « de faire progresser, de favoriser, d’encourager et de promouvoir les intérêts culturels et sociaux du peuple tli?cho dans le reste du Canada », peut-on lire sur leur site Internet.  
Cette initiative fait figure de précurseur aux Territoires du Nord-Ouest et les clients principaux sont des résidents de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, de l’Ontario, mais aussi des États-Unis et de l’Europe. Mme Marion estime que cette façon de promouvoir la culture tli?cho permet d’exercer un contrôle sur l’esprit et la symbolique véhiculés par chaque produit vendu.
« La composante virtuelle du magasin permet à n’importe qui dans le monde d’entrer en contact avec nous. Nous pouvons contrôler le récit de notre histoire, ce que nous essayons de montrer, qui nous sommes et comment nous voulons le communiquer », indique-t-elle.  

L’influence sur l’ensemble de la communauté  
Ouvrir un commerce en ligne ne présente que des avantages pour Mme Hogan, que ce soit en termes financiers ou en raison des effets positifs générés dans les collectivités autochtones.  
« Il y a beaucoup de personnes ingénieuses, talentueuses et créatives dans nos collectivités et lorsqu’elles décident de créer leur propre entreprise, elles peuvent devenir financièrement indépendantes, dit-elle. Mais elles sont aussi capables de réinvestir ces revenus dans la communauté. Cela permet d’acheter directement à l’artiste ou l’artisan depuis une plateforme virtuelle. »
Acheter ne semble plus être un acte anodin. Se procurer un objet d’artisanat en ligne implique une levée de l’anonymat. Le parcours de l’artiste ainsi que les matériaux utilisés et l’histoire véhiculée à travers l’objet est au centre de la transaction.
Pour Mme Marion, une forte présence sur les réseaux sociaux permet un plus grand partage de l’information en un temps record : « Nous partageons les photos de nos artisans sur les réseaux sociaux et nos clients veulent savoir qui a fabriqué nos produits et à qui ils apportent leur soutien. » 
De son côté, Mme Hogan pense que le commerce en ligne permet aussi de partager et de faire connaitre à un large public les défis rencontrés dans le Nord. 
« Que ce soit les caribous, l’accès à l’eau potable ou la violence contre les femmes, les plateformes numériques nous permettent de sensibiliser les gens en partageant avec eux notre savoir et les informations que nous avons. Aujourd’hui, avec la nouvelle génération, les acheteurs ne veulent plus simplement acheter un produit, mais ils veulent savoir à qui ils achètent », conclut-elle.