Résultat d’une collaboration entre le gouvernement fédéral et plusieurs organismes comme Inuit Tapiriit Kanatami, Nunavut Tunngavik Inc. et Aqqiumavvik Arviat Wellness Society, ce programme de soutien est présenté comme respectueux des droits inhérents de chasse des Inuits et constituerait une étape importante vers la sécurité alimentaire dans l’Arctique.
« La Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs est enfin là et elle est la bienvenue. La subvention est un moyen pour le gouvernement du Canada de reconnaitre systématiquement le rôle précieux que les chasseurs et les pêcheurs inuits jouent dans la recherche d’un moyen de subsistance durable au Nunavut. Mais notre travail ne s’arrête pas là, car, en réalité, près de la moitié des ménages du Nunavut connaissent l’insécurité alimentaire », a déclaré la présidente de Nunavut Tuungavik Incorporated, Aluki Kotierk, dans un communiqué de presse.
Présenté comme un programme flexible, Wayne Walsh, directeur général des Politiques stratégiques du Nord au sein du gouvernement fédéral, reconnait l’importance de la récolte traditionnelle et du partage de la nourriture dans les collectivités arctiques. Alloués directement aux organismes partenaires, les fonds sont gérés et administrés par chaque communauté afin de répondre à ses besoins spécifiques.
« On a bâti ce programme pour donner aux communautés les outils nécessaires pour contrer leurs réalités », explique M. Walsh.
L’insécurité alimentaire : un fléau dans les régions arctiques
Le Nunavut est le territoire ou la province la plus touchée par l’insécurité alimentaire au Canada. Dans un rapport rendu par Statistiques Canada en 2018, il est stipulé que 57 % des foyers en souffrent, suivi par les Territoires du Nord-Ouest avec 21,6 % puis par le Yukon avec 16,9 %.
Le cout élevé des denrées alimentaires dans les marchés d’alimentation est une des causes du problème, mais l’origine de l’insécurité alimentaire aurait des racines plus lointaines et s’inscrirait comme l’une des conséquences de la colonisation. Dans un rapport qui traite de la souveraineté alimentaire, la société à but non lucratif Qikiqtani Inuit Association estime que « la colonisation a déconnecté les Inuits des activités de chasse, de pêche et de cueillette, mais aussi de leurs pratiques culturelles qui revigoraient leur perception de leur propre identité, nourrissait les communautés et stimulait l’économie locale ».
La solution d’allouer une subvention aux aliments importés des provinces ne fonctionne pas, peut-on lire dans l’introduction. Selon l’organisme, la seule façon d’enrayer l’insécurité alimentaire au Nunavut est d’acquérir la souveraineté alimentaire.
La souveraineté alimentaire
« Le Nunavut doit opérer un virage et passer de la notion de sécurité alimentaire à celle de souveraineté alimentaire. Cela signifie qu’il faut autonomiser les Inuits afin qu’ils nourrissent leurs propres communautés », peut-on lire dans ce même rapport. Parmi les solutions proposées pour accéder à la souveraineté alimentaire, il est fait mention de la construction d’infrastructures qui permettront non seulement de transformer les produits de la chasse et de la pêche, mais aussi de transmettre aux jeunes générations le savoir et les techniques inhérentes à de telles pratiques culturelles.
Mme Kotierk, elle aussi, exprime une conception au long terme : « Bien que j’apprécie la Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs, je pense qu’elle ne va pas assez loin. Je la vois comme un élément d’une vision beaucoup plus large que nous avons en tant qu’Inuits. Mais j’imagine que nous pourrons avoir des marchés d’aliments prélevés dans la nature. […] Je pense qu’il y aura une possibilité et même un endroit pour un transfert intergénérationnel du savoir. J’imagine qu’il y aura des infrastructures chauffées dans les villages où les Inuits pourront réparer l’équipement de chasse et de cueillette. »
Pour favoriser la sécurité alimentaire, l’une des solutions résiderait aussi dans la construction d’infrastructures variées selon M. Walsh : « On pense à des investissements dans les infrastructures pour le transport et pour améliorer la production locale, mais ce qui est plus compliqué c’est la pauvreté. Quand on parle de réduire l’insécurité alimentaire, il faut aussi parler des investissements pour l’éducation et qui fournissent du développement économique. »
Lutter contre la pauvreté
À Iqaluit, le directeur général du Centre Communautaire d’alimentation Qajuqturvik, Wade Thorhaug, estime que l’une des causes majeures de l’insécurité alimentaire est la pauvreté : « Le cout élevé des denrées alimentaires est un problème, mais la problématique principale est le nombre élevé de personnes qui survivent grâce à l’assistance sociale qui n’est absolument pas suffisante pour couvrir le cout de la nourriture ici. » Si le savoir traditionnel lié à la chasse est très présent parmi les membres des collectivités du Nunavut selon lui, il estime cependant que le manque de structures pour partager les ressources et le savoir est un frein.
« J’espère que le programme de subventions aux chasseurs n’est pas une mesure provisoire due à la pandémie de COVID-19. J’espère aussi que nous pourrons voir les avantages à long terme d’un programme de soutien aux chasseurs, car c’est une partie importante de la culture locale qui ne fait pas seulement partie de la souveraineté alimentaire, mais aussi de la culture avec une perspective holistique. »