En 1957, alors que la pêche industrielle était l’un des piliers de l’économie aux Territoires du Nord-Ouest, plus de 2 000 tonnes de poissons étaient pêchées. Puis, progressivement, ce volume a diminué pour atteindre 700 tonnes à la fin des années 1960.
Aujourd’hui, malgré des quotas s’élevant à 1 500 tonnes, le volume de poissons pêchés en 2013-2014 ne dépassait pas les cinq tonnes.
Le vieillissement de la population de pêcheurs, la vétusté des bateaux et des équipements ainsi qu’une compétition accrue sur le marché sont quelques-unes des raisons de ce déclin.
Pourtant, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest entrevoit un potentiel de relance économique. En effet, l’abondance naturelle des poissons dans le Grand lac des Esclaves serait une occasion de rétablir une industrie affaiblie.
Partenariat avec la Coopérative Tu Cho
Un protocole d’entente dont l’ambition est d’améliorer les rendements de pêche a été signé le 21 juillet 2020 par l’ex-ministre de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement, Katrina Nokleby, et par Cameron Beaverbones de la coopérative Tu Cho.
« Avec les investissements et l’approche appropriés, nous croyons que l’industrie de la pêche commerciale peut être restaurée pour en faire un secteur dynamique et prospère comme elle l’était autrefois », indique la ministre Nokleby.
L’idée de relancer la pêche commerciale ne date pourtant pas d’hier. En mars 2017, le gouvernement avait rendu public un rapport appelé Stratégie de revitalisation de la pêche commerciale du Grand lac des Esclaves, et qui répertorie sept axes sur lesquels la stratégie se concentre, comme l’accès aux marchés d’exportation ou encore la relance des pêcheries éloignées et hivernales. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest reconnait cependant que les défis à relever sont nombreux et qu’il faudra du temps et des investissements.
Du temps, il en faut pour ce projet qui a pris du retard. La construction d’une usine de transformation et d’emballage de poisson à Hay River a été repoussée d’une année.
« Le cout de construction était plus élevé que prévu et nous avons dû repenser le projet et concevoir une usine plus petite », précise le gestionnaire des affaires publiques et des communications au ministère de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement, Drew Williams.
L’usine qui devrait être en exploitation l’année prochaine permettra de conditionner plus de 680 tonnes de poissons et ainsi générer des emplois dans la collectivité de Hay River.
« Nous espérons que les jeunes seront attirés par une carrière dans la pêche, car de nombreux pêcheurs sont proches de l’âge de la retraite », pense le gestionnaire.
Dans cette optique, le gouvernement prévoit de créer des programmes de formation à l’intention des jeunes pêcheurs et des mesures d’encouragement pour inciter les pêcheurs à transférer leurs opérations sur le Grand lac des Esclaves seront mises en place.
Développer l’intérêt des jeunes générations
L’idée parait simple, mais des interrogations demeurent. Kristine Wray est étudiante à l’Université de l’Alberta et ses recherches dans le cadre d’une thèse en sociologie environnementale l’ont guidée vers l’étude des interactions entre les instances gouvernementales et les Premières Nations. L’idée de construire une usine dans ce secteur n’est pas nouvelle et « a toujours été une option pour faire face au déclin de la pêche commerciale », indique-t-elle. Mais plutôt que de considérer les infrastructures et les ressources naturelles du lac, elle estime que la question qui mérite d’être posée concerne les ressources humaines.
« Est-ce qu’il y a assez de pêcheurs et de jeunes qui souhaitent s’investir dans cette industrie ? », se demande-t-elle. Alors que la population actuelle des pêcheurs du lac est vieillissante, la question de l’attractivité de cette profession chez les jeunes générations mérite d’être soulevée.
Se lancer dans une carrière de pêcheur n’est pas aisé. Le métier est exigeant physiquement et un capital de base est nécessaire pour l’achat et l’entretien d’un bateau et de filets.
« Comment attirer les jeunes dans l’industrie de la pêche lorsqu’ils peuvent obtenir un emploi dans une mine et gagner bien mieux leur vie dans ce secteur ? », demande la chercheuse. La question reste en suspens.