le Samedi 19 avril 2025
le Jeudi 15 octobre 2020 18:06 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Arctique

Articles de l’Arctique Johannes Lampe reconduit à la présidence du Nunatsiavut

Articles de l’Arctique Johannes Lampe reconduit à la présidence du Nunatsiavut
00:00 00:00

Seulement le tiers des électeurs du territoire autonome inuit du Labrador se sont prémunis de leur droit de vote.

Au Labrador, le 6 octobre, une majorité d’électeurs ont reconduit dans ses fonctions le président sortant du Nunatsiavut, Johannes Lampe, au détriment de sa concurrente Andrea Webb/Tuglavina.

Au Nunatsiavut, qui fait partie de Terre-Neuve-et-Labrador, mais exerce le pouvoir dans les domaines de la santé, de la justice, de l’éducation et des affaires communautaires, les élections présidentielles sont décalées de celles des députés et il n’existe aucun parti politique. « Le président est élu par les électeurs de toutes les circonscriptions électorales », explique le professeur de sciences politiques de l’Université de Toronto, Graham White.

Ses pouvoirs sont supérieurs à ceux du premier ministre du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest, selon M. White, dans la mesure où il peut expulser un ministre du Cabinet et où l’Assemblée législative ne peut se réunir sans sa présence.

Lampe défait Webb/Tuglavina
Lors des élections, qui devaient initialement se tenir le 5 mai dernier, mais qui ont été remises à cause de la pandémie de COVID-19, M. Lampe a bénéficié de 1015 votes contre 533 pour Mme Webb/Tuglavina.

Interprète et traducteur, M. Lampe a aussi été député provincial pour la circonscription de Nain et ministre de la Culture, des Loisirs et du Tourisme. Aux élections présidentielles de 2008 et de 2012, il avait successivement été défait par Jim Lyall et Sarah Leo. En 2016, la candidature de cette dernière a été annulée en raison de sa maitrise insuffisante de l’inuttut, une exigence de la loi électorale du Nunatsiavut.

« La loi est appliquée de manière irrégulière, explique le professeur de l’Université Western, Christopher Alcantara ; ça dépend de qui veut la voir appliquée. Avec Leo, quelqu’un l’a fait appliquer. » Lampe avait donc été élu par acclamation.

Du bon travail
Graham White, également coauteur de Nested federalism and Inuit Governance in the Arctic, n’est pas surpris par la réélection de M. Lampe. « Johannes Lampe a vraiment fait un bon travail comme président », affirme-t-il. « Andrea Webb/Tuglavina n’est pas très connue et n’a pas fait une grosse campagne. »

Cette dernière a contribué à fonder l’Association nationale de femmes inuites Pauktuutit, dont elle a été la vice-présidente. Plus récemment, à Goose Bay, elle a créé le groupe An?nauKatiget Tumingit.

Seulement 27 % des quelque 5972 des bénéficiaires de plus de 16 ans de l’Entente sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador se sont prévalus de leur droit de vote.

Dans une déclaration faite après les élections, Johannes Lampe se dit « profondément préoccupé » par le taux de participation. « C’est évident qu’il faut faire plus pour encourager les bénéficiaires à jouer un rôle plus actif dans la construction de notre futur », ajoute-t-il.

« J’ai passé la plupart du temps de la campagne à l’hôpital ajoute M. Lampe. J’ai eu une chirurgie majeure pour le cancer. Je n’ai pas été capable de rencontrer les Inuits du Labrador. »

Pour le président, la pandémie, qui a rendu les voyages très difficiles, explique également le faible taux de participation.
Graham White acquiesce à cette analyse tout en replaçant le faible taux de vote dans un contexte historique : « En 2012, alors qu’il y avait trois candidats, le taux de vote était en bas de 40 % si je me souviens bien. »

Autre raison potentielle de la désaffection : la loi prescrit qu’un débat en inuttut ait lieu entre les candidats et que celui-ci soit disponible en ligne durant 21 jours durant la campagne ; or, le débat n’a jamais été mis en ligne

Les défis du prochain terme
Alors que M. Lampe dit se sentir mieux, les défis ne manquent pas pour son gouvernement et lui. « Durant les quatre dernières années, fait-il savoir par voie de communiqué, j’ai travaillé dur pour placer à l’avant-plan les besoins des Inuits du Labrador, […] et je continuerai de le faire. Nous avons fait des progrès énormes sur plusieurs fronts : en sécurisant du financement fédéral pour le logement, en améliorant les infrastructures dans nos collectivités, en soulevant les préoccupations sur la sécurité alimentaire et la santé des Inuits, en nous assurant que nos droits et nos titres sont protégés et honorés. Je vais continuer à mettre de l’avant ces priorités et d’autres, partout et quand c’est possible. »

Pour Graham White, les défis du prochain terme de Lampe restent les mêmes que lors du précédent. « La chose la plus pressante est le logement, dit-il. À Nain et Hopedale, qui sont les plus grosses collectivités, il y a une pénurie terrible. […] Et il y a les transports. Il n’y a pas de route. Les pistes d’atterrissage peuvent seulement accueillir de petits avions comme des Twin Otter. À Nain, la capitale administrative, il n’y a pas de lumière sur la piste d’atterrissage. On parle de relocaliser la piste en dehors de Nain. Ça couterait 30 millions $. »

Selon M. White, le président du Nunatsiavut devra également faire face au déclin de la population de caribous, au bas niveau d’éducation de la population et à la nécessité d’augmenter le nombre de locuteurs de l’inuttut, parlé par seulement 20 à 25 % de la population.

À tout cela s’ajoute la crise de la pêche aux crevettes. Pêches et Océans Canada a effectivement exclu les Inuits du Labrador des quotas de pêches de certaines zones. Par voie de communiqué, le ministre des Terres et des Ressources naturelles du Nunatsiavut, Greg Flowers, a parlé de « trahison » et son gouvernement explore actuellement les recours légaux.