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le Vendredi 6 novembre 2020 12:01 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Arctique

De hauts niveaux de polluants décelé chez les femmes enceintes du Nunavik

De hauts niveaux de polluants décelé chez les femmes enceintes du Nunavik
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Un groupe de chercheurs de l’Université Laval de Québec et de l’Université de Toronto — Scarborough a révélé que les femmes enceintes du Nunavik présentaient des concentrations deux fois plus élevées de composés chimiques potentiellement associés à certains problèmes de santé que le reste de la population canadienne.

Utilisés dans la fabrication de nombreux produits d’usage courant comme les emballages alimentaires, les peintures, les cosmétiques ou encore les revêtements antiadhésifs, ces composés chimiques évoqués par l’étude publiée dans la revue Environment International sont des acides perfluoroalkylés (PFAA).

De 2004 à 2017, 279 femmes inuites enceintes résidantes du Nunavik ont accepté de faire partie de cette étude dont les résultats ont mis en évidence des niveaux critiques d’exposition.

« L’exposition à l’ensemble des PFAA chez les femmes enceintes inuites était deux fois plus élevée que celle mesurée dans un échantillon représentatif de Canadiennes du même groupe d’âge », peut-on lire dans le communiqué de presse de l’université Laval du 21 octobre 2020.

L’étude met en lumière le lien entre la nourriture traditionnelle consommée par ces femmes et l’exposition élevée aux composés chimiques PFAA. En effet, ces composés sont très peu biodégradables et persistent dans l’environnement où ils sont transportés par les courants océaniques et atmosphériques jusqu’en Arctique. Contaminant ainsi la chaine alimentaire, les PFAA s’accumulent dans les tissus des poissons et des mammifères marins consommés.

« Les bénéfices de consommer des aliments du territoire sont très importants et ça fait partie intégrante de la culture au Nunavik. La consommation des aliments traditionnels contribue aussi à assurer une sécurité alimentaire qui est primordiale », indique la professeure adjointe en santé environnementale à l’université de Toronto et coauteure de l’étude, Élyse Caron-Beaudoin.

Comprendre et résoudre la contamination
Si la consommation d’aliments traditionnels au Nunavik est fondamentale pour plusieurs raisons, et ce d’autant plus pendant une grossesse, comment protéger la santé de ces femmes et leur permettre de continuer de s’alimenter des ressources du territoire qui font partie intégrante de la culture inuite ?

En travaillant avec le gouvernement fédéral et les partenaires inuits du Nunavik afin qu’une nouvelle législation, plus stricte soit mise en place, selon Élyse Caron-Beaudoin.

« Notre objectif est de générer des données qui pourront appuyer une règlementation au niveau fédéral et international beaucoup plus stricte, non seulement des PFAA, mais aussi de leurs précurseurs comme les FTOH (composés similaires) dans le but de contribuer à protéger la qualité nutritionnelle et l’importance culturelle et traditionnelle des aliments au Nunavik », rappelle-t-elle.

En 1991, le gouvernement canadien a mis en place le programme de lutte contre les contaminants dans le Nord. Son but est de comprendre et de résoudre le problème de cette exposition néfaste présente dans la consommation d’aliments traditionnels par les populations de l’Arctique. « La santé et la sécurité de tous les Canadiens est une priorité absolue pour le gouvernement du Canada, y compris l’accès à des aliments nutritifs qui ne présentent aucun danger », précise le service aux médias des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada dans un courriel du 3 novembre 2020.

Cependant, 30 ans plus tard, la législation canadienne n’est pas suffisante puisque les résultats de l’étude restent très préoccupants et les citoyens canadiens de l’Arctique restent exposés à certains composés chimiques.

« La majorité des PFAA sont déjà règlementés et il y a un bout de chemin qui est fait, mais ce n’est pas le cas partout ailleurs. La règlementation doit vraiment aller au-delà de ce que l’on peut faire au niveau fédéral, on espère que ces données vont vraiment servir de levier pour avoir une règlementation internationale », précise Élyse Caron-Beaudoin.

Une injustice environnementale supplémentaire en Arctique
Si les résultats de l’étude sont présentés dans le communiqué de presse comme « une injustice environnementale de plus dans l’Arctique », ces termes forts n’ont pas été choisis au hasard. « Elle se définit comme un manque d’équilibre entre les bénéfices associés à une industrie potentiellement polluante et les groupes de la population qui subissent les risques associés à cette industrie sans en retirer nécessairement les bénéfices », explique la chercheuse avant de conclure : « La population du Nunavik n’est pas responsable de la production de ces produits et n’a pas non plus les ressources pour faire face aux problématiques associées à une contamination environnementale plus importante. Elle est ici l’injustice. »