L’organisme indépendant chargé de mener les audiences publiques sur le projet d’expansion de la mine de fer refuse qu’on rediffuse les audiences.
Les audiences publiques finales sur l’expansion de la mine de fer Mary River, sur l’ile de Baffin, ont été suspendues le 14 avril au soir, pour une période indéterminée, suite à l’annonce d’une éclosion de COVID-19 à Iqaluit. Des tensions entre la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions (CNER), qui mène les audiences publiques sur le projet minier, et la chaine de télévision de langue inuktitute, Uvagut TV, étaient apparues au début avril, alors qu’une demande d’autorisation de rediffusion des audiences publiques passées avait été refusée par la Commission.
Depuis 2012, le Nunavut Independant Television Network, propriétaire d’Uvagut TV, a filmé, diffusé et rediffusé les audiences publiques en lien avec les activités de la mine de fer Mary River, avec l’accord de la CNER. Selon le média, cette pratique permet d’accroitre la transparence et l’accès à l’information dans les collectivités inuites. Le cinéaste Zacharias Kunuk, membre du Conseil de direction de NITV, s’étonne du refus de la Commission alors que cette pratique n’avait pas soulevé d’opposition dans le passé.
« Nous savons que nous sommes censurés, indique M. Kunuk dans un communiqué de presse du 12 avril 2021, nous voulons trouver qui nous censure. Ce n’est pas dans les habitudes inuites de chercher la confrontation. »
Uvagut TV a cependant été autorisé à diffuser les audiences en direct le 14 avril juste avant que le processus ne soit suspendu.
Les motivations du refus
De son côté, la Commission présente plusieurs raisons qui motivent leur refus d’autoriser la rediffusion des audiences de janvier et février 2021.
D’une nature quasi judiciaire, la CNER indique dans un courrier du 6 avril 2021, qu’il y a des limites imposées aux médias afin que ceux-ci n’interfèrent pas dans le processus de décision. « Les principes des audiences publiques et de la liberté de presse continuent d’être soumis à des limites raisonnables afin que les systèmes décisionnels de la justice et des tribunaux puissent fonctionner, qu’ils ne soient pas perturbés et que la participation des parties à une procédure donnée ne soit pas entravée par l’accès du public ou des médias aux débats. »
De plus, une rediffusion des audiences passées serait, selon la Commission, une atteinte au droit à la vie privée des personnes qui ont témoigné aux audiences. Selon eux, toutes les tierces personnes présentes aux audiences devraient donner leur consentement avant toute rediffusion.
NITV avait proposé de flouter le visage de ces personnes, mais cette solution a été rejetée par la commission pour qui cette pratique n’est pas recevable : « (La Commission) note que la suggestion de NITV selon laquelle ils respecteraient les droits à la vie privée en brouillant les images de tiers qui peuvent être visibles dans le cadre ne répond pas aux droits et aux attentes de tous les participants à la reprise de l’audience publique de ne pas voir leurs images et témoignages rediffusés après l’évènement en direct sans leur consentement, y compris le promoteur, les intervenants, les personnes ainées et les représentants de la collectivité dont la participation est essentielle à la procédure. »
L’appui du gouvernement du Nunavut
Le ministère du Développement économique et des Transports du Nunavut, pour sa part, est satisfait de la façon dont la CNER mène les audiences publiques. Tous les documents et comptes-rendus d’audience sont accessibles sur Internet en quatre langues. Dans un courriel du 20 avril 2021, le ministère indique qu’« un large accès à une information juste et impartiale est la pierre angulaire du processus de règlementation environnementale ».
« Le gouvernement du Nunavut est heureux de la décision du conseil d’administrer les débats sur Zoom et le ministère est satisfait des efforts du conseil dans ce domaine », ajoute le ministère.
Accès limité à Internet
Dans un rapport du 20 octobre 2020, l’organisme Nunavut Tunngavik met en lumière les problèmes d’infrastructure qui rendent la connexion Internet dispendieuse et lente dans le territoire.
« Une connexion lente signifie que la vidéoconférence, un outil indispensable pour travailler à distance et qui est une pratique courante ailleurs au Canada, est peu réaliste au Nunavut », peut-on lire en page 15 du rapport de 123 pages. De plus, la connexion est huit fois plus lente que dans le reste du pays, ce qui peut rendre le téléchargement de fichiers volumineux compliqué. À ce jour, le réseau câblé télévisuel demeure une option fiable pour l’accès à l’information en inuktitut.