Le navire de patrouille extracôtier et de l’Arctique Harry DeWolfe a été mis en service le 26 juin 2021. Il est le premier de la future flotte de la Marine royale canadienne qui comptera six navires.
D’une longueur de 103 mètres, ce navire, dont la construction avait été annoncée en 2007, est doté d’une technologie qui lui permet de naviguer dans les eaux arctiques, qui représentent 75 % du littoral canadien. Conçu pour patrouiller dans les eaux les plus septentrionales et les eaux extracôtières, ce navire, qui compte un équipage de 65 personnes, a comme objectif de « renforcer les capacités et la présence des Forces armées canadiennes dans l’Arctique, permettant ainsi à la Marine royale canadienne d’exercer sa souveraineté dans la cette région », selon Jessica Lamirande des Relations avec les médias de la Défense nationale.
Accroitre la souveraineté
Le navire Harry DeWolfe participera à la partie maritime de l’opération Nanook, qui comprend une série d’activités pour exercer la défense du Canada dans les territoires ainsi qu’au Labrador, en aout 2021. Il franchira ensuite le passage du Nord-Ouest, au cœur d’un désaccord entre le Canada et les États-Unis. Durant l’été 1985, le brise-glace de la Garde côtière américaine, le Polar Sea, avait traversé le Passage du Nord-Ouest sans le consentement du gouvernement du Canada et l’avait seulement avisé de cette traversée dans les eaux intérieures. Suite à cette controverse et après deux ans de pourparlers entre les deux États, l’Accord de coopération arctique a été signé le 11 janvier 1988 à Ottawa. Ce document, qui fait office de feuille de route commune, est toujours en vigueur aujourd’hui.
Mme Lamirande rappelle que « les positions respectives du Canada et des États-Unis sur ce dossier continuent d’être bien administrées, y compris par le biais de l’Accord de coopération arctique ».
Pour le docteur Whitney Lackenbauer, professeur à l’université Trent en Ontario et à la chaire de recherche du Canada pour l’étude du Nord canadien, la route de navigation du navire Harry DeWolfe exprime la volonté du Canada d’exercer sa souveraineté.
« Le fait que le navire va rencontrer une expédition scientifique américaine, dans le passage du Nord-Ouest, venant de la direction opposée, est une démonstration importante de notre bonne entente malgré le débat avec les Américains sur le statut juridique de ces eaux », pense-t-il.
En plus de collecter de l’information, le navire permet d’affirmer la présence canadienne en Arctique lors d’activités « de reconnaissance et de surveillance essentielles » selon Mme Lamirande. De son côté, M. Lackenbauer estime que le déploiement du navire relève d’une capacité importante du Canada à renforcer sa présence dans les eaux arctiques, même si les États-Unis sont considérés comme des alliés dans la région.
Véritable symbole de la fierté nationale en Arctique pour la Défense nationale, le déploiement du navire fait écho à l’émergence de nouveaux défis géopolitiques, mais aussi climatiques dans le Nord.
« Le Nord et l’Arctique ne sont pas à l’abri parce que les changements climatiques se traduiront par un accès élargi à la région et mèneront à l’accroissement des défis en matière de sureté et de sécurité », précise Mme Lamirande.
L’Arctique connecté au reste du monde
Lors d’une rencontre à Genève le 16 juin 2021, le président des États-Unis, Joe Biden, et le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, ont déclaré vouloir continuer de coopérer en Arctique afin que la région ne devienne pas un lieu de conflit. Suite à l’émergence de nouvelles voies maritimes libres de glace due au réchauffement climatique, la Russie n’a jamais caché son intérêt et les perspectives de développement économique (l’augmentation du transport de marchandises par exemple) qui en découlent. Cependant, suite à cette rencontre et aux déclarations des deux présidents, M. Lackenbauer entrevoit une note positive : « Les deux pays ont réaffirmé le message que l’Arctique doit rester une région de paix et de stabilité. Même si nous avons de très fortes divergences en tant que pays occidental avec la Russie, notamment en rapport avec l’agression de l’Ukraine, ça ne signifie pas qu’il n’y a pas de domaines de coopération arctique. J’ai trouvé que c’était un changement de ton très positif par rapport à certains des messages que nous avions entendus provenant de l’administration Trump. »
Contre toute attente, le niveau de coopération internationale en Arctique est profondément lié à la situation géopolitique internationale selon M. Lackenbauer.
« L’Arctique est connecté au reste du monde et nous sommes confrontés à de grandes questions et à des défis avec la Russie et la Chine à l’échelle mondiale. Notre relation dans l’Arctique (avec ces pays) devra s’inscrire dans ce contexte mondial plus large », déclare-t-il.
L’Arctique fait donc figure de pièce maitresse sur l’échiquier géopolitique mondial et demeure unique en son genre.