Un groupe de recherche regroupant les universités de Colombie-Britannique, du Manitoba, de Calgary en Alberta, McGill à Montréal en collaboration avec Pêches et Océans Canada, étudie les déplacements des gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone et le méthane, entre l’océan et l’atmosphère en Arctique. Ce programme de recherche, qui a débuté en 2002, se fait en collaboration avec la collectivité de Cambridge Bay au Nunavut. Cependant, l’intégration du savoir traditionnel au protocole a été repoussée en raison des restrictions de voyage et de regroupement en vigueur au Nunavut.
L’océan aux premières loges du réchauffement climatique
En Arctique, la hausse des températures est plus élevée que dans le reste du monde. Les schémas de circulation des gaz à effet de serre entre l’atmosphère et l’océan qui pourraient se produire dans le futur ne sont pas encore complètement connus. Pour Lisa Miller, partenaire dans ce projet et géochimiste à Pêches et Océans Canada, il est crucial de mesurer ces interactions aujourd’hui afin de comprendre et d’analyser ce qui pourrait se passer dans les prochaines années. En effet, l’océan Arctique joue un rôle fondamental dans la régulation du climat en absorbant le dioxyde de carbone produit par les activités humaines.
« L’océan Arctique est l’un des puits de carbone les plus importants, mais l’une des questions fondamentales est de savoir si l’océan Arctique sera encore capable de continuer à absorber le dioxyde de carbone de l’atmosphère, est-ce que ce processus peut ralentir ou même s’inverser », s’interroge-t-elle.
Orienter les recherches
Pour le chef de projet et professeur associé à l’université de Calgary, Brent Else, l’idée d’impliquer la collectivité de Cambridge Bay s’est imposée rapidement.
« Nous avons essayé de trouver des façons de rendre la science plus utile pour les collectivités de l’Arctique et l’un des moyens est de faire participer ces collectivités », indique-t-il lors d’une entrevue.
À Cambridge Bay, les inquiétudes de la population concernent la pollution marine et les changements des conditions climatiques qui rendent les prévisions météorologiques plus difficiles qu’auparavant. En 2015, des stations météo ont été installées sur les sites de chasse et de pêche les plus fréquentés à Cambridge Bay.
Pour Beverly Maksagak, responsable au sein de l’organisme des chasseurs et trappeurs Ekaluktutiak (EHTO), et partenaire dans ce projet, ces stations permettent d’enregistrer les nouveaux régimes climatiques issus du réchauffement climatique. Les conséquences de l’augmentation du trafic maritime et les rejets des navires, principalement autour des sites de mines, doivent aussi être surveillés de près selon elle.
À l’heure actuelle, deux techniciens de la collectivité ont été formés directement sur le terrain. Avec les restrictions de voyages dues à la situation sanitaire, et l’impossibilité pour les équipes universitaires de se rendre sur place, la présence de personnes opérationnelles sur le site a permis la collecte de données durant l’année 2020.
« Les techniciens ont pu récupérer les instruments et collecter des données. Ça nous a été très utile d’avoir ces personnes pour poursuivre nos recherches », se rappelle M. Else.
Intégration du savoir traditionnel repoussée
Selon une étude menée par le département de géographie de l’université Memorial de Terre-Neuve, parue en mars 2020, les efforts déployés par les groupes de recherches en Arctique n’ont pas fait progresser la participation, le développement des compétences et le savoir des autochtones dans le domaine des sciences environnementales de l’Arctique au Canada. Quels sont les freins à l’intégration de ce savoir aux protocoles de recherche. Pour M. Else, l’intégration du savoir traditionnel au projet est un souhait de longue date, mais sa concrétisation n’a pas pu se faire, en raison de la COVID-19. Le processus et la méthodologie sont prêts, mais l’impossibilité de réunir des personnes ainées d’une collectivité isolée, dans un endroit clos a repoussé la finalisation de cet aspect du projet.
« Nous souhaitons pouvoir organiser cet atelier en personne au printemps 2022. Intégrer le savoir traditionnel nécessite un long processus qui ne peut pas se faire lors de rencontres virtuelles et jusqu’à maintenant, à cause de la pandémie, nous n’avons pas pu l’organiser », précise le chef de projet.
De son côté, Mme Maksagak rappelle que le savoir traditionnel détenu par les personnes ainées joue un rôle très important dans tous les projets de l’EHTO. Cet organisme confirme que les témoignages et le savoir des personnes ainées sur les conditions et les prévisions météorologiques seront collectés dans le futur.