Le 8 février 2022, le Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa, a annoncé la création d’un département appelé « Voies autochtones et décolonisation » par voie de communiqué de presse. À la tête de ce département ont été nommés Steven Loft, vice-président d’origine mohawk, et Michelle LaVallee, directrice et membre de la Première Nation des Neyaashiinigmiing Chippewas de Nawash en Ontario.
La création de ce tout nouveau département fait suite à la mise en place, le printemps dernier, d’un plan stratégique du musée appelé « Transformer ensemble ». Axée sur les questions de justice, d’équité, de diversité, d’inclusion et d’accessibilité, la mise en place de ce plan a permis aux équipes de l’institution de se questionner sur ses propres pratiques muséales, sur ses collections, mais aussi sur la création d’exhibitions. Pour Angela Cassie, vice-présidente responsable de la transformation stratégique et de l’inclusion au sein du musée, ce plan stratégique est un « guide qui a clarifié notre raison d’être, la façon dont on envisage l’avenir et comment construire des ponts pour approfondir les relations et favoriser l’avènement d’une société plus équitable ».
Dans les appels à l’action de la Commission Vérité et Réconciliation, les musées ont un rôle à jouer. En examinant leurs politiques et leurs pratiques, en collaboration avec les peuples autochtones, dans le but de déterminer le degré de conformité avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Selon Mme Cassie, l’art joue un rôle clé dans le processus de réconciliation. Les institutions muséales doivent « entendre la voix des artistes qui véhiculent tellement de valeurs et expriment la vitalité culturelle et créative », pense-t-elle.
Une vision trop limitée des arts autochtones
Antoine Mountain est artiste peintre originaire de Fort Good Hope aux Territoires du Nord-Ouest et membre de la nation Dénée. Il voit d’un bon œil la création de ce département, car c’est un pas vers la bonne direction. Cependant, le racisme est présent dans le monde des arts et c’est un problème important. Les cases dans lesquelles les institutions et les galeries identifient les artistes autochtones sont très limitatives, et pas représentatives des réalités vécues par les artistes.
« [Les institutions] peuvent décider de ce qui relève des formes d’arts autochtones afin de cantonner ces artistes à leur propre définition, parce qu’elles veulent que le public considère ces artistes autochtones [selon leurs propres termes]. C’est une façon raciste d’appréhender les arts, car il n’y a pas ce genre de frontières. Un artiste peut changer son style et sa pratique artistique à travers les années », explique-t-il.
Mme Cassie reconnait aussi que les musées canadiens doivent collaborer davantage avec les artistes et les collectivités afin de mettre en lumière leurs points de vue et leurs démarches artistiques.
« Je pense que, très souvent, les musées articulaient les histoires des autres, déclare-t-elle. Il y avait un privilège et on le faisait sans collaboration. [Avec le plan stratégique] nous faisons un pas vers cette reconnaissance. C’est un équilibre entre la compréhension de la vérité, comment nos institutions y ont contribué, de quelle façon on peut guérir et quelle expérience on peut proposer aux visiteurs. Tout ceci contribue à une nouvelle manière de se voir, de refléter et de partager cette richesse. »
Une passerelle à construire avec les artistes des territoires
L’éloignement géographique des territoires avec les grandes villes des provinces n’est pas facile à appréhender pour les artistes du Nord, surtout lorsqu’il s’agit de mettre de l’avant leur travail dans des musées ou galeries qui sont éloignés de la réalité nordique. Angela Cassie rappelle que le plan stratégique a identifié les barrières et le Musée des beaux-arts du Canada s’est donné cinq ans pour créer des liens avec les artistes des trois territoires.
« On doit continuer de bâtir ces ponts, d’élaborer des stratégies et d’essayer de le faire de façon à construire des relations au long terme afin de célébrer la créativité des artistes qui contribuent tellement à la richesse de nos communautés », précise-telle.