Nelly Guidici
Le Canada a demandé à la France d’extrader le prêtre oblat Joannes Rivoire, accusé d’agressions sexuelles commises contre des enfants inuits dans les années 1960 et 1970.
Le ministère de la Justice l’a confirmé à L’Aquilon : une demande a été faite au gouvernement français par le service des poursuites pénales. Le père Rivoire réside en France depuis 1993. Le ministère de la Justice a aussi reconnu le caractère exceptionnel de l’affaire qui a été portée jusqu’au pape, par Nathan Obed, président de l’organisme Inuit Tapiriit Kanatami et représentant de la délégation inuite, lors de la visite au Vatican de mars 2022.
Dans un communiqué de presse du 28 mars 2022, M. Obed a indiqué avoir notamment demandé au pape François « d’user de son influence auprès des autorités françaises compétentes pour faire extrader M. Rivoire vers le Canada ou le juger en France […] et de faire ce qui est juste, ce qui est nécessaire et ce qui est entièrement en son pouvoir en tant que pontife ».
Pour le ministre de la Justice, David Lametti, aucune relation n’est plus importante que celle avec les peuples autochtones. Cette affaire prend donc une valeur symbolique particulière alors que la visite papale au Canada s’est achevée fin juillet 2022.
« La collaboration et la coopération sont essentielles pour réparer l’héritage honteux des pensionnats. Nous travaillons avec les peuples autochtones pour faire avancer l’important travail de réconciliation au Canada », écrit le ministre le ministre de la Justice lors d’un échange de courriels avec L’Aquilon.
La France n’extrade pas ses ressortissants, mais M. Rivoire possède la double nationalité. Même si à ce jour le gouvernement français n’a pas encore donné suite à la demande, le prêtre franco-canadien, âgé de 92 ans, pourrait faire face à la justice canadienne en tant que citoyen canadien.
Pour Piita Irniq, homme politique et ancien commissaire du Nunavut de 2000 à 2005, cette affaire doit trouver une issue le plus tôt possible par la présentation de Joannes Rivoire devant le système judiciaire canadien.
« Je suis satisfait de la décision du gouvernement canadien d’extrader M. Rivoire vers le Canada. Et cette extradition doit avoir lieu très rapidement ! », a-t-il indiqué.
Alain Arsenault, avocat au barreau de Montréal menant une action collective contre les abus sexuels des Oblats du Diocèse de Québec, pense qu’une poursuite collective est peut-être une solution à explorer pour les victimes du Nunavut.
« Je pense que les gens doivent s’organiser pour entreprendre des poursuites collectives. Si la dénonciation pour les victimes est une première étape, obtenir justice (au civil ou au criminel) qui contient une reconnaissance, c’est une étape aussi essentielle que la dénonciation », précise l’avocat.
Entre 1993, année de son départ précipité du Canada, et 2021, six plaintes ont été déposées contre Joannes Rivoire. Un mandat d’arrêt a été lancé en 1998, mais en 2017, le gouvernement du Canada abandonne les accusations qui pesaient alors contre le prêtre. À la suite du dépôt d’une nouvelle plainte en septembre 2021, l’enquête sur le dossier a été relancée, menant à l’émission de cette demande d’extradition.