La fonte accélérée de la banquise dans la mer de Barents a des conséquences sur la diversité génétique des populations d’ours blancs. Une étude, publiée le 8 septembre 2021 dans la revue The Royal Society, révèle une augmentation des cas de consanguinité parmi la population d’ours blancs de l’archipel du Svalbard en Norvège, qui est une zone particulièrement touchée par la disparition rapide de la glace de mer.
L’étude, qui couvre une période de plus de 20 ans (entre 1995 et 2016), s’est penchée sur les répercussions de la réduction de la couverture de glace de mer sur la génétique de 626 ours polaires. Les résultats indiquent qu’il y a une perte de diversité génétique de 3 à 10 % au cours de la période d’étude.
« Dans le contexte du changement climatique, nous examinons comment la répartition des ours polaires change à mesure que la répartition de la glace de mer change. Avec cette étude dans le Svalbard, c’est la première indication claire que le changement de distribution affecte la structure génétique de la population », explique Andrew Derocher, professeur au département des sciences biologiques de l’université de l’Alberta à Edmonton et co-auteur de l’étude.
Selon l’étude, les changements climatiques modifient rapidement la structure, la dynamique et le fonctionnement des écosystèmes, entrainant des changements à grande échelle dans la répartition et la démographie des espèces. De plus, l’augmentation des températures dans la mer de Barents est un processus rapide. Le nombre de jours sans glace est en constante augmentation et, en conséquence, le nombre de femelles enceintes atteignant les aires de mise bas traditionnelles a diminué.
« Nos découvertes suggèrent que le flux génétique des ours polaires “pélagiques”, qui relient les différentes régions du Svalbard pendant la saison des amours, a progressivement diminué en raison de la perte de glace de mer », peut-on lire en conclusion du document.
Diminution de certaines populations au Canada
Il y a treize populations d’ours blancs au Canada, dont trois sont en déclin en raison du réchauffement climatique. Les populations de l’ouest et du sud de la baie d’Hudson, ainsi que de l’ouest de l’Arctique canadien sont particulièrement touchées par la disparition de la banquise. Si aucun changement dans la génétique de ses populations d’ours blancs n’a été observé jusqu’à maintenant, cela ne signifie pas que ces changements n’auront pas lieu dans le futur si le nombre d’individus diminue.
« [Au Canada] nous ne voyons pas la mutation génétique qui a été documentée dans l’écosystème du Svalbard. Par contre, nous soupçonnons qu’à plus long terme, des changements génétiques se manifesteront dans ces populations », précise Andrew Derocher.
Avec le réchauffement climatique, il y a une hausse de la consanguinité chez les ours blancs de l’archipel du Svalbard. (Crédit photo : Æ Derocher-Université de l’Alberta)
Une espèce en péril aux Territoires du Nord-Ouest
Le 28 juillet 2022, l’ours polaire était inscrit pour dix années supplémentaires sur la liste des espèces en péril aux Territoires du Nord-Ouest. C’est la Conférence des autorités de gestion des TNO, qui s’occupe de la gestion et du rétablissement des espèces en péril, qui a reconduit l’ursus maritimus sur cette liste en tant qu’espèce préoccupante. La population mondiale d’ours blancs est estimée entre 20 000 et 25 000 individus dont 16 000 sont établis dans l’Arctique canadien. En 2017, un plan de gestion de l’ours polaire dans la région désignée des Inuvialuit a été mis en place et continue aujourd’hui de fournir une feuille de route, mais aussi des objectifs de gestion de l’espèce sur le long terme.
« Le but de ce plan est d’atteindre l’objectif de gestion d’assurer la persistance à long terme d’ours polaires en bonne santé dans la région désignée des Inuvialuit, tout en maintenant l’utilisation traditionnelle inuvialuite », peut-on lire en introduction du document.
La chasse à l’ours blanc est une activité très importante tant au niveau culturel qu’au niveau de la sécurité alimentaire dans l’Arctique canadien. Mais avec la prévision de la diminution du nombre d’individus, l’équilibre entre la chasse et la protection d’une espèce vulnérable reste à trouver selon M. Derocher.
« Nous avons toujours une chasse active d’ours polaires au Canada, où plus de 500 ours par an sont chassés sur une base de quotas durables. [Dans le futur] ce sera probablement le principal problème de la gestion des populations, car les ours polaires sont de plus en plus menacés par le changement climatique », rappelle-t-il.