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le Jeudi 24 novembre 2022 14:54 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Arctique

Surveillance des eaux arctiques canadiennes : un rapport alarmant

Surveillance des eaux arctiques canadiennes : un rapport alarmant
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Un rapport de la vérificatrice générale du Canada au Parlement tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme. Des lacunes dans la surveillance des eaux arctiques canadiennes ont été signalées depuis longtemps, mais le gouvernement fédéral n’a pas mis en place les mesures nécessaires et efficaces pour faire face à cette situation. La Défense nationale, Transports Canada, Pêches et Océans Canada ainsi que la Garde côtière canadienne sont responsables de la sureté et de la sécurité dans cette région, mais, à l’heure actuelle, ces organisations fédérales sont loin d’avoir des connaissances complètes sur l’ensemble des activités maritimes de ses eaux territoriales.

Déposé le 15 novembre 2022, ce rapport met en lumière les défaillances de la communication et du transfert d’information entre les différentes instances, le vieillissement de la flotte de la Garde côtière notamment ainsi que l’inadéquation de projets d’infrastructures, comme l’installation navale de Nanisivik au nord de l’ile de Baffin, qui nuisent aux capacités de surveillance de l’Arctique.

 

Une flotte en fin de vie

75 % du littoral canadien, soit 162 000 kilomètres de côtes, se trouvent en Arctique. Depuis les années 1970, la couverture moyenne des glaces de mer en été a rétréci d’environ 40 % alors qu’en près de 30 ans, le nombre de voyages dans les eaux arctiques canadiennes a plus que triplé. Passant de 120 voyages répertoriés en 1990 à 385 en 2021, cette fréquentation de plus en plus accrue des eaux arctiques, notamment dans le passage du Nord-Ouest, rend la surveillance de cette zone compliquée alors que la flotte de brise-glace arrive en fin de vie.

Il y a actuellement six brise-glaces en service dont l’entretien est couteux en raison de leur âge compris entre 35 et 53 ans. Selon le rapport, 162 M$ ont été nécessaires pour prolonger la durée de vie utile de ces navires au cours des dix dernières années. Trois brise-glaces d’occasion ont été ajoutés à cette flotte alors que six nouveaux brise-glaces ont été commandés, mais ne seront pas livrés avant 2030. Les brise-glaces actuellement en service devraient commencer à atteindre la fin de leur durée de vie utile en 2029, ce qui laisse peu de marge de manœuvre en cas de retard de livraison de la nouvelle flotte.

Cette situation n’est pourtant pas une surprise pour Frédéric Lasserre, directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques. Engager la construction d’un brise-glace est une grande décision politique qui nécessite de dépenser des sommes très importantes. Depuis les 15 dernières années et malgré les changements de gouvernements, cette décision semble avoir été difficile à prendre.

« [Le vieillissement de la flotte de brise-glaces] reflète en partie un manque de vision. Les échéances ont toujours été repoussées et politiquement ça a été une décision très difficile, quels que soient les gouvernements en place tant avec les conservateurs qu’avec les libéraux », fait-il remarquer.

 

Assurer la sécurité de la navigation

Naviguer dans l’océan arctique demeure dangereux, car ces eaux ne sont pas complètement connues ni cartographiées. Avec l’augmentation du nombre de navires de croisière et de marchandises, la sécurité demeure une priorité absolue qui, en l’état actuel, ne peut pas être correctement assurée.

« Il faut agir pour combler ces retards et remettre le renouvèlement de l’équipement sur une voie durable afin d’obtenir une vue d’ensemble de ce qui se passe dans l’Arctique, une étape essentielle à la conception des mesures nécessaires pour surveiller les activités et réagir aux menaces et aux incidents », peut-on lire dans le rapport.

Pour M. Lasserre, la surveillance est aussi primordiale afin de porter assistance et secours en cas d’accident : « il y a de plus en plus de pression sur les services d’aide à la navigation pour être en mesure à la fois de surveiller, mais aussi de prêter assistance en cas de besoin. »

À ce jour, le manque d’information au sujet des navires qui transitent dans l’Arctique crée des vulnérabilités qui, en l’absence de mesures concrètes et efficaces, pourraient entrainer des incidents en lien avec la sécurité, la sureté, mais aussi l’environnement et l’économie du Canada.

La souveraineté canadienne ne serait pas pour autant menacée selon M. Lasserre. Même si de nombreuses lacunes ont été relevées et que la Garde côtière n’est actuellement pas en mesure de surveiller l’ensemble des eaux arctiques, le Canada continue malgré tout d’exercer un exercice de souveraineté.

Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, l’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.