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le Jeudi 15 Décembre 2022 16:13 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Arctique

Un important financement pour la protection de la biodiversité dans le Nord

Un important financement pour la protection de la biodiversité dans le Nord
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Le gouvernement fédéral a annoncé un financement de 800 M$ sur sept ans pour quatre projets de protection de l’environnement initiés par des organismes et gouvernements autochtones. Cette annonce a été faite le 7 décembre 2022 dans le cadre de la Conférence des Parties (COP15) à la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique qui se tient jusqu’au 19 décembre 2022 à Montréal.

Le Canada affiche ainsi sa volonté de remplir des objectifs clairs afin « de mettre fin à l’alarmante perte de biodiversité dans le monde ». Des cibles chiffrées ont été fixées et cette Convention des Nations Unies, qui a été ratifiée par 196 pays, demeure l’instrument juridique international pour la conservation de la biodiversité.

Le gouvernement fédéral s’est engagé à protéger 25 % des terres d’ici 2025 et 30 % des eaux d’ici 2030. C’est dans ce contexte que l’annonce du financement à l’échelle nationale a été faite et cette somme devrait permettre d’aboutir à la création d’aires naturelles protégées en Ontario et en Colombie-Britannique. Le Nord n’est pas mis de côté puisque le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest sont aussi concernés par cet investissement.

 

Les sentinelles du Nunavut

L’Association Inuite Qikiqtani (QIA) a rendu publique sa stratégie de conservation régionale 2022 pour la plus grande des quatre régions du Nunavut. La région Qikiqtani au nord-est du territoire regroupe 13 collectivités où vivent 15 500 personnes. Le document d’une quarantaine de pages se définit comme une nouvelle approche de la protection de la biodiversité en partenariat avec le gouvernement fédéral. Ce sont 989 879 km2 de territoire qui sont au cœur de cette stratégie qui souhaite la création « d’une vaste mosaïque de zones marines et terrestres interconnectées et protégées essentielles à la santé et au bienêtre des Inuits, des Canadiens, mais aussi de la communauté mondiale. »

Avec le réchauffement accéléré de l’Arctique, il y a urgence d’agir. Pour George Qulaut, négociateur en chef au sein de QIA, le financement annoncé est une bonne nouvelle, car la voix des Inuits a trop longtemps été passée sous silence. Avec ce nouveau partenariat, la prise en compte du point de vue inuit sur la façon de protéger la faune et la flore devient une priorité selon lui.

« Depuis les 100 dernières années, lorsque nos terres ont été développées [par les gens venant] du sud, les Inuits ont tenté de protéger l’environnement, les animaux et la terre, mais personne ne nous a écoutés. Nous connaissons la terre et nous avons les connaissances, nous voulons ramener le savoir inuit au premier plan et c’est très important », indique-t-il lors d’une entrevue.

Il y a actuellement entre deux et cinq gardiens du territoire dans cinq collectivités de la région Qikiqtani. M. Qulaut espère que le financement du gouvernement fédéral, dont le montant n’a pas encore été déterminé, permettra aux huit collectivités restantes d’avoir leurs propres sentinelles. L’équipe de Nauttiqsuqtiit (les gardiens inuits) est active depuis plusieurs années et d’importants progrès dans la mise en place d’activités d’observation pour renforcer leur rôle de surveillance de l’environnement marin arctique ont d’ores et déjà été observés. De plus, leur rôle dépasse la simple activité de surveillance, car les Nauttiqsuqtiit renforcent la sécurité alimentaire fragile en Arctique. Durant la pandémie de COVID-19, ils ont notamment distribué aux membres des communautés une quantité importante d’aliments traditionnels récoltés.

Le savoir autochtone au premier plan

Aux TNO, des aires de protection et de conservation dans le delta de la rivière Slave et certaines zones du bassin hydrographique Taltson sont en processus de création. Ce sont 3,1 M$ alloués pour ce projet dont la Première Nation Deninu Kue´ (DKFN) et le gouvernement Métis de Fort Résolution (FRMG) sont les principaux partenaires dans ce projet qui souhaite remettre au premier plan le savoir autochtone afin de mieux protéger l’eau douce du territoire.

Pour Arthur Beck, Président du gouvernement Métis de Fort Resolution, l’eau et le territoire sont intimement connectés : « l’eau est comme le sang dans nos veines et nous faisons corps avec la terre. » La protection de l’un ne va pas sans l’autre.

Une multitude d’options alliant le savoir traditionnel à la science et à l’utilisation des terres devraient être utilisées dans la prise de décisions où, différents partenaires comme les gouvernements, les organisations de protection de l’environnement comme Canards Illimités Canada et des organismes philanthropiques auront voix au chapitre. C’est par l’union des voix et des ressources que les résultats significatifs pourront être observés selon M. Beck.

Dans un communiqué de presse du 8 décembre 2022, Chef Louis Balsillie de la Première Nation Deninu Kue´ a rappelé le rôle clé du savoir autochtone et de sa prise en considération dans les projets de conservation de l’environnement à l’heure du changement climatique.

« Nos savoirs autochtones alliés à la science citoyenne sont une source d’informations environnementales précieuses pour la Première Nation Deninu Kue´ et joue un rôle crucial dans la formation de nos propres réponses au changement climatique, à la conservation, aux négociations et aux opportunités de développement économique. De l’eau douce est nécessaire pour la vie. Il est vital pour notre bienêtre culturel, social et écologique du peuple Déné vivant dans les TNO. Nous devons protéger ces écosystèmes », a indiqué Chef Louis Balsillie de la Première Nation Deninu Kue´.

(Crédit photo : Qikiqtani Inuit Association)

 

Un pas de plus vers la réconciliation

La réconciliation ne peut se matérialiser sans la guérison. Pour George Qulaut, le partenariat entre QIA et le gouvernement fédéral dans la gouvernance, la surveillance et la conservation de la biodiversité en Arctique permet de concrétiser la guérison. Selon lui, la mise en place et la reconnaissance, de la stratégie de conservation régionale développée par QIA permet aux collectivités inuites de se réapproprier le territoire, mais aussi leur propre identité.

« Le besoin de guérison est important et nous devons revenir à la façon dont nos ancêtres ont surveillé et conservé la faune, la flore et la terre. Ce financement est un pas en avant vers la réconciliation », rappelle-t-il.

 

Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, l’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.