C’est une dizaine d’intervenants dont le premier ministre du Yukon, Ranj Pillai, le président du Conseil consultatif du Yukon sur la sécurité de l’Arctique, Ken Coates, mais aussi le consul général des États-Unis à Vancouver, Jim DeHart qui ont fait part de leurs points de vue à la toute première conférence sur la sécurité en Arctique organisée, à Whitehorse par l’Institut canadien de la sécurité arctique.
Implanté à Whitehorse, le tout nouvel institut canadien de la sécurité arctique (ICSA) s’est donné pour mission de construire, sur le long terme, la sécurité par et pour le Nord canadien tout en collaborant avec les experts en sécurité des provinces.
« La création de cet institut nous permet d’aborder le concept de sécurité arctique dans son sens le plus large. Il nous permet de nous engager officiellement avec nos homologues du Nord, de collaborer avec des universitaires du Sud et de développer notre expertise et notre leadeurship dans le Nord », a déclaré le premier ministre du Yukon, Ranj Pillai, en ouverture de conférence.
Dédié à la recherche sur la sécurité en Arctique, l’ICSA conçoit aussi la sécurité de façon plus vaste en incluant la perspective des gouvernements et communautés autochtones, dans leurs recherches et leurs recommandations.
« L’Institut fournira des analyses et des recommandations politiques fondées sur des données probantes, tout en tenant compte des besoins, des perspectives et de l’expérience vécue des populations autochtones et des communautés nordiques », a indiqué M. Pillai
Soulignant que le Nord canadien continue d’être au cœur des enjeux dans la situation géopolitique internationale actuelle, il estime que les effets du changement climatique qui rendent l’Arctique plus accessible par les voies navigables libres de glace de plus en plus tôt sont un élément à ne pas perdre de vue.
« La demande mondiale de minéraux essentiels atteint un niveau historique, et nous savons que des États étrangers, alliés ou hostiles, lorgnent les ressources que recèlent nos territoires », a précisé le premier ministre yukonais.
Le point de vue américain
Pour Jim DeHart, l’intérêt grandissant de nations comme la Chine pour la région arctique est source d’inquiétude. Qualifiant le pays d’adversaire potentiel dans la course aux ressources naturelles, le consul général des États-Unis à Vancouver estime qu’une collaboration fructueuse, efficace et maximale avec le Canada, dans le cadre du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), est plus que jamais nécessaire. Même s’il pense que le Canada ne contribue pas encore à la hauteur de ce qu’il devrait, il se dit satisfait de voir que des actions concrètes, comme la création de l’ICSA, sont mises en place et démontrent une compréhension des enjeux arctiques par le Canada.
Le NORAD est un commandement binational. Personnellement, je souhaite que cela se fasse sans heurts. Et c’est très important qu’il soit modernisé, car le Canada et les États-Unis sont confrontés aux mêmes défis.
Des lacunes en communication
En février 2022, un objet volant sans autorisation dans le ciel de l’Alaska puis du Yukon avait semé le trouble parmi la population du territoire. Le premier ministre du Yukon se souvient bien de cette journée qu’il a décrite comme chaotique. Abattu le 11 février 2023 dans l’espace aérien canadien, cet objet était le troisième d’une série de quatre d’objets volants abattus aux États-Unis et au Canada durant le mois de février 2023. Seul le premier objet détecté en Caroline du Sud le 4 février a été caractérisé « comme un ballon de surveillance en haute altitude ».
Nick Glesby, administrateur du réseau de défense et de sécurité de l’Amérique du Nord et de l’Arctique (NAADSN) est revenu sur ce cas d’école, juste avant la clôture de la conférence. Ce qui s’est passé, mais aussi la façon dont les informations ont été relayées illustrent, selon lui, une occasion manquée de collaborer avec les gouvernements autochtones et les Rangers. Aucun canal de communication d’urgence n’était en place pour prévenir la Cheffe de la Première Nation Tr’ondek Hwech’in, Roberta Joseph, et Chef Simon Mervyn, de la Première Nation Nacho Nyak Dun dont l’abattage a eu lieu au-dessus de leurs territoires traditionnels.
« Les communications ont été limitées et il n’y a pas eu d’échange d’informations proactif avec les rangers et les communautés locales. Il s’agit d’une occasion manquée de soutenir les gardiens du savoir autochtone et d’établir des relations avec eux. Ces patrouilles possèdent une connaissance locale du territoire sur lequel elles vivent et de leurs communautés », a-t-il déploré.
La désinformation et les spéculations autour de ces objets sont allées bon train et cette situation est inquiétante pour M. Glesby. L’absence de communication de la part de la défense nationale et l’opportunité de façonner l’environnement d’information ont laissé « un vide qui a été comblé par des spéculations et des fausses informations véhiculées par ceux qui n’étaient pas au courant ».
Une amélioration des procédures
Trois ans après les faits, le NORAD a tiré des leçons de cet incident et a modifié ses procédures afin de mieux détecter l’origine des objets circulant dans l’espace aérien nord-américain. Aujourd’hui le doute demeure sur l’origine de l’objet abattu au Yukon, car les débris, se trouvant dans une zone de montagne très difficile d’accès, n’ont jamais pu être récupérés.
La stratégie arctique du ministère américain de la Défense postule que les moteurs mondiaux de la géopolitique et du changement climatique expliquent l’attention croissante portée à l’Arctique circumpolaire. Aujourd’hui, « la tâche la plus urgente et la plus importante à laquelle nous sommes confrontés est d’affirmer la souveraineté du Canada dans l’Arctique et les communautés nordiques », conclut-il.