le Samedi 3 mai 2025
le Vendredi 2 mai 2025 10:41 Arctique

Transition énergétique : les peuples autochtones en première ligne

Pour Sara Olsvig, présidente du Conseil Circumpolaire Inuit, et membre d’un groupe de travail sur la transition énergétique et les minéraux critiques au sein des Nations Unies, les droits des peuples autochtones sont non négociables. — Capture d’écran
Pour Sara Olsvig, présidente du Conseil Circumpolaire Inuit, et membre d’un groupe de travail sur la transition énergétique et les minéraux critiques au sein des Nations Unies, les droits des peuples autochtones sont non négociables.
Capture d’écran
Le 21 avril dernier s’ouvrait la 24e session de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones. Plusieurs représentants du Conseil Circumpolaire Inuit étaient présents à New York afin d’aborder les dossiers urgents concernant l’Arctique, tout en accueillant Aluki Kotierk, originaire d’Igloolik au Nunavut, en tant que présidente de l’Instance permanente.
Transition énergétique : les peuples autochtones en première ligne
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Pendant douze jours, les discussions de l’assemblée, qui comptait un millier de participants, ont porté sur la « Mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au sein des États membres et du système des Nations unies, y compris l’identification des bonnes pratiques et la résolution des problèmes ». En d’autres termes, il s’agit de concrétiser, sur le terrain et sur les tables de négociation, les droits des peuples autochtones. 

Lors de son discours d’investiture, Aluki Kotierk, a rappelé que des progrès ont été faits depuis l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en 2007, mais ces avancées demeurent inachevées et purement symboliques. Aujourd’hui, les populations autochtones demeurent exclues des discussions concernant l’exploitation des ressources sur leurs territoires traditionnels. 

Même si les peuples autochtones continuent de « résister avec créativité et toujours avec joie face à l’adversité, le dialogue important doit également déboucher sur des actions transformatrices », a indiqué Mme Kotierk qui représente aussi les organisations de peuples autochtones au sein du groupe de travail mondial pour la Décennie internationale des langues autochtones, qui a débuté en 2022.

Elle a également déploré que les violations des droits des peuples autochtones et de leurs droits humains fondamentaux persistent et que les dirigeants autochtones continuent d’être criminalisés pour avoir défendu leurs peuples et leurs territoires.

 

Exploiter les minéraux critiques : pas à n’importe quel prix

Alors que la course aux minéraux critiques, qui sont les éléments constitutifs de l’économie verte et de la transition énergétique, continue de s’accélérer, Mme Kotierk a affirmé haut et fort que le consentement libre et éclairé des peuples autochtones est nécessaire. D’importants gisements de minéraux critiques se trouvant en Arctique, les peuples autochtones ne doivent plus être considérés comme de simples bénéficiaires, mais comme des partenaires dans les prises de décision selon elle.

L’exploitation des minéraux critiques sur des terres sans le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones concernées s’apparente à une forme de colonialisme. Nous ne sommes pas contre le développement, mais le développement doit se faire selon nos conditions et de manière équitable.

— Aluki Kotierk, présidente de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones.

Éviter les erreurs du passé

Sara Olsvig, présidente du Conseil Circumpolaire Inuit, fait partie d’un groupe de travail, créé en 2024 par les Nations Unies, sur la transition énergétique et les minéraux critiques. Lors de précédentes sessions de travail, plusieurs principes directeurs ont été identifiés comme le respect fondamental des droits humains, la justice et l’équité. La protection de la biodiversité est un point qui a également été soulevé et ne doit pas être sacrifié sur l’autel de la transition énergétique.

« En tant que peuples autochtones, nous devons pleinement mettre en œuvre nos droits humains, tels qu’ils sont affirmés dans la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Nos droits sont non négociables. Le deuxième principe appelle chacun à comprendre que l’intégrité de la planète, de son environnement et de sa biodiversité doit être préservée au cours de cette soi-disant transition. Le troisième principe porte sur la justice et l’équité, qui doivent être à la base des chaines de valeur minérales », a-t-elle déclaré lors de la première journée de cette 24e session. 

Rappelant que le secteur minier a des antécédents peu enviables marqués par la corruption et le manque de transparence, Mme Olsvig indique qu’il est très difficile de savoir si les droits de l’homme ont été respectés dans le cadre de processus d’extraction passés ou en cours. 

« C’est pourquoi la recommandation sur la traçabilité et la responsabilité est essentielle pour les peuples autochtones. Mais je tiens à préciser que même si nous avons l’objectif commun et primordial de nous éloigner des combustibles fossiles, nous ne pourrons pas y parvenir en répétant les erreurs du passé », a-t-elle lâché. 

Une étude publiée le 3 février 2025 par le Secrétariat du Conseil économique et social des Nations Unies a mis en lumière les risques que les peuples autochtones pourraient subir si la transition énergétique ne se fait pas sans la reconnaissance pleine et entière de leurs droits tels que définis par la déclaration des droits des peuples autochtones.

L’exploitation des minéraux critiques nécessite une activité croissante d’extraction qui s’accompagne d’impacts considérables sur les plans humain, social et environnemental. Si rien n’est fait pour lutter contre ces impacts, la transition qui se dessine ne sera très probablement pas juste ni équitable pour les peuples autochtones. En outre, la transition est une fausse bonne idée pour les populations et pour la planète, car les activités extractives non durables peuvent entrainer une perte importante de biodiversité et aussi nuire aux connaissances traditionnelles des peuples autochtones, bien qu’il soit établi que les connaissances des peuples autochtones sont des solutions essentielles pour résoudre la crise du climat et de la biodiversité, peut-on lire dans l’étude. 

L’étude recommande notamment que les sociétés minières doivent prendre des mesures pour pratiquer leurs opérations de façon responsable. De plus, l’obtention du consentement préalable, libre et éclairé relève de leur responsabilité même dans les pays ou les droits des peuples autochtones n’ont pas encore été reconnus dans la législation ou la règlementation internationale. 

Enfin, l’une des préoccupations majeures soulevées dans le document est l’absence de législation protectrice des droits des peuples autochtones dans le cadre de la transition énergétique mondiale ou de la faiblesse de la législation existante. Seuls l’Australie, qui considère la consultation des peuples autochtones comme un point essentiel, et le Canada avec sa stratégie sur les minéraux critiques lancée en 2022 sont présentés comme des exemples positifs, mais trop rares au regard du contexte international. 

Dans cette stratégie canadienne, le développement de l’exploitation des minéraux critiques va de pair avec la réconciliation ou le gouvernement fédéral reconnait que le secteur minier doit évoluer pour « contribuer à faire avancer la réconciliation avec les peuples autochtones. »