le Mercredi 8 octobre 2025
le Mardi 7 octobre 2025 7:38 Arctique

Réconciliation : « Nous avons besoin de moins de paroles et de plus d’actions »

Le rapport en deux volumes, de l’Enquête nationale sur les femmes, les filles et les personnes aux deux esprits autochtones, disparues et assassinées, appelle à des changements en profondeur sur les plans juridique et social. — Photo Nelly Guidici
Le rapport en deux volumes, de l’Enquête nationale sur les femmes, les filles et les personnes aux deux esprits autochtones, disparues et assassinées, appelle à des changements en profondeur sur les plans juridique et social.
Photo Nelly Guidici

La réconciliation est un processus complexe qui concerne non seulement les survivants des pensionnats, mais aussi les femmes, les filles et les personnes aux deux esprits autochtones, disparues et assassinées.

Réconciliation : « Nous avons besoin de moins de paroles et de plus d’actions »
00:00 00:00

Pour Duane Gastant-Aucoin, représentant du Yukon au Conseil spirituel de l’Assemblée des Premières Nations (APN) et président national du Conseil 2SLGBTQQIA+ au sein de l’APN, des actions concrètes sont plus que jamais nécessaires. 

Courtoisie

En 2016, le bureau principal de l’Enquête nationale ouvre ses portes à Vancouver. Le but de celle-ci est de se pencher sur les causes systémiques de toutes les formes de violence, y compris la violence sexuelle, à l’égard des femmes et des filles autochtones. 

Après trois ans d’enquête et de rencontres avec les groupes régionaux et les organisations nationales, ainsi que des visites dans plusieurs communautés qui ont permis de recueillir 1484 témoignages de membres de familles et de survivantes, un rapport final a été publié le 3 juin 2019. Dans ce rapport figurent 170 appels à la justice qui concernent différents niveaux de gouvernance comme les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux. Parmi ces appels, 46 sont propres aux Inuits et sont fondés sur un processus décisionnel axé sur l’autodétermination des Inuits. « La société inuite est artificiellement compartimentée et divisée par des limites coloniales géopolitiques. Les gouvernements – fédéral, provinciaux et territoriaux – doivent donc se reporter aux mécanismes d’autodétermination des Inuits pour assurer la prise de décisions appropriées concernant les programmes et les services d’intervention », peut-on lire dans le rapport. 

Passer à l’action 

Duane Gastant’ Aucoin est le représentant du Yukon au Conseil spirituel de l’Assemblée des Premières Nations (APN). Il a aussi été élu en avril 2025 au poste de président national du Conseil 2SLGBTQQIA+ au sein de l’APN. Ce conseil veille à ce que la voix des personnes bispirituelles soit entendue afin de soutenir les membres les plus vulnérables des Premières Nations.

Selon lui, la création de l’Enquête nationale a été une bonne chose, mais la concrétisation des appels à l’action est trop longue. Cinq ans après la publication du rapport, peu de travail a été accompli. « Il a été très décourageant de constater que seuls deux appels à la justice ont été mis en œuvre, et qu’aucun des appels à la justice concernant les personnes bispirituelles n’a été complété », a-t-il déploré lors d’une entrevue. 

Aller au-delà des gestes symboliques

La réconciliation n’est qu’une coquille vide si elle n’est pas accompagnée d’actions concrètes et il estime que ce processus doit aller au-delà des gestes symboliques et des mesures purement formelles. 

Rappelant que les provinces, les territoires et les municipalités sont autant concernées que le gouvernement fédéral, M. Gastant’ Aucoin rappelle que les appels à la justice concernent tous les citoyens. « Nous avons besoin d’actions concrètes, car des femmes autochtones et des personnes bispirituelles continuent de disparaitre et d’être assassinées quotidiennement dans ce pays. » 

En 2023, Statistique Canada a publié un rapport alarmant sur la violence subie par les femmes autochtones. Entre 2009 et 2021, le taux d’homicides contre les femmes et les filles des Premières Nations, métisses et Inuites était six fois plus élevé que celui enregistré chez leurs homologues non autochtones. 81 % des femmes et des filles autochtones ont été tuées par une personne qu’elles connaissaient et dans la majorité des cas, l’auteur présumé était également autochtone (86 %). 

Pointant aussi du doigt le manque de financement des programmes nécessaires, M. Gastant’ Aucoin pense que les personnes autochtones, métisses et inuites sont traitées comme des citoyens de seconde classe de même que les gouvernements autochtones. 

Tous concerné.e.s

À l’occasion de la Journée nationale de la Vérité et de la Réconciliation, M. Gastant’ Aucoin tient à rappeler que le processus de réconciliation est essentiel aux institutions du Canada. Même si les tensions se sont multipliées avec les États-Unis sur fond de guerre tarifaire, et que le Canada « doit aller de l’avant sur le plan économique, il ne faut pas oublier les premiers peuples de cette terre », soutient-il avant d’ajouter : « Il ne peut y avoir de réconciliation sans travailler avec nous en tant que partenaire égal pour aider le Canada à aller de l’avant en cette période difficile. » 

Enfin, M. Gastant’ Aucoin assure que l’APN continuera de faire pression sur le gouvernement pour la mise en œuvre complète des appels à la justice. Au sein même de l’Assemblée, des changements sont en cours avec la mise en œuvre de toutes les recommandations que le rapport contient. « Ainsi, nous pouvons donner l’exemple sur la manière de faire et montrer comment le Canada peut être un endroit sécuritaire pour les femmes, les filles et les personnes bispirituelles », conclut-il. 

Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.