Depuis la fin des années 1990, l’ancien aréna d’Inuvik, qui a été transformé en serre, offre un lieu tout à fait unique dans le Nord. L’objectif initial de renforcement du sentiment d’appartenance communautaire grâce au jardinage récréatif, à la production alimentaire, au partage des connaissances et aux possibilités de bénévolat a été largement acquis. Au tournant de l’an 2000, près de 100 personnes étaient adhérentes de l’organisme Inuvik Community Greenhouse (ICG). On compte aujourd’hui environ 150 membres.
En 2021, une unité hydroponique achetée auprès de Coldacre a été installée à côté de la serre. Financé grâce à une subvention de l’Agence canadienne de développement économique du Nord (CanNor), l’ajout de cette unité devait permettre « d’étendre les activités de la serre et, éventuellement, d’en faire une source de financement en permettant la culture de produits pendant l’hiver », explique Peter Clarkson, maire d’Inuvik et membre du conseil d’administration de ICG.
Des légumes frais, notamment des salades, épinards, choux frisés et herbes ont été vendus durant l’été, à l’image d’un micromarché communautaire.
La faisabilité de ce type de culture dans le Nord est donc difficile en raison de nos couts énergétiques élevés, mais aussi, même si l’énergie n’était pas en cause, le temps consacré par le personnel pour s’en occuper est un autre défi.
Le cout énergétique
Cependant, le conseil d’administration a dû faire face à plusieurs obstacles dont le cout énergétique nécessaire pour faire fonctionner la ferme. En effet, c’est au Nunavut et aux TNO que le cout de l’électricité est le plus élevé au Canada. Selon l’agence canadienne de l’énergie renouvelable, les tarifs résidentiels d’électricité varient d’une collectivité à l’autre, mais à Inuvik, le kilowattheure coute plus de 0,80 $.
Pour réduire ces couts, des panneaux photovoltaïques ont été installés, mais des retards dans les permis ont empêché leur utilisation pendant plusieurs années. Et bien que les panneaux permettent maintenant d’accumuler des heures de production énergétique durant l’été, cela n’a pas suffi pour maintenir l’activité lors de l’hiver dernier.
M. Clarkson estime que, sans l’énergie solaire, l’unité hydroponique serait trop couteuse et impossible à faire fonctionner.
« Dans un monde idéal, la ferme aurait donc fonctionné d’octobre à mars, soit pendant six mois. Mais cette année, en raison d’un autre problème avec les panneaux solaires, nous ne la ferons pas fonctionner du tout cet hiver, car nous n’avons pas pu accumuler les heures nécessaires. De plus, le personnel que nous avions formé pour la faire fonctionner n’est plus à Inuvik », regrette-t-il.
En plus des problèmes de rétention du personnel, M. Clarkson ne se dit pas convaincu par l’isolation du conteneur qui, selon lui, ajoute au cout de la facture d’électricité. Lorsque la température chute à moins 40 degrés, la consommation d’énergie grimpe, car il faut maintenir la chaleur à l’intérieur afin de créer un environnement propice à la croissance des légumes.
Avec la fermeture de ColdAcre, plus aucun soutien technique n’est disponible, laissant la communauté seule face aux éventuels problèmes du système.
La durabilité économique des fermes hydroponiques dans l’Arctique canadien reste à prouver selon M. Clarkson.
« La faisabilité de ce type de culture dans le Nord est donc difficile en raison de nos couts énergétiques élevés, mais aussi, même si l’énergie n’était pas en cause, le temps consacré par le personnel pour s’en occuper est un autre défi », explique le maire.
Une approche globale
Malgré ces obstacles, Peter Clarkson estime que le projet a eu le mérite de tester une solution alternative pour améliorer la sécurité alimentaire hivernale. Toutefois, selon lui, l’approche la plus réaliste reste l’agriculture estivale. Grâce à la serre communautaire et aux jardinières individuelles, les résidents peuvent cultiver assez de pommes de terre, légumes racines et verdures pour plusieurs mois.
C’est durant l’été qu’une différence en matière de souveraineté alimentaire peut-être faite. Pour Peter Clarkson, l’avenir passe par une approche holistique, mêlant initiatives communautaires, éducation au jardinage, technologies adaptées au climat nordique, et soutien financier ciblé.
Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.
