le Mercredi 3 Décembre 2025
le Mardi 2 Décembre 2025 13:47 Arctique

Mine Eagle Gold : la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun réclame une enquête publique

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La Première Nation Na-Cho Nyäk Dun réclame une enquête publique pour faire la lumière sur l’accident survenu à la mine Eagle Gold le 24 juin 2024. Cette enquête pourra déterminer les parties responsables et renforcer la sécurité minière au Yukon.

Mine Eagle Gold : la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun réclame une enquête publique
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Le 30 juin 2025, un rapport indépendant, commandité par le gouvernement du Yukon, avait révélé que le glissement de minerai survenu à la mine Eagle Gold le 24 juin 2024 résultait de la combinaison de plusieurs négligences. 

À cause d’un drainage trop intensif, la nappe phréatique est montée. Le système de collecte des eaux de pluie n’était pas suffisant et cela a provoqué un glissement de terrain sur une pente trop raide. Ce premier glissement a ensuite entrainé un mouvement de terrain beaucoup plus important. Par ailleurs, le rapport mettait aussi en lumière des défaillances lors de la construction du système de revêtement des bassins de rétention parmi d’autres anomalies en lien direct avec la construction, la surveillance et le maintien de cette partie du site de la mine. 

La gestion du gouvernement mise en doute 

Pour Mark O’Donoghue, biologiste à la retraite et conseiller auprès de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, Victoria Gold Corporation, propriétaire de la mine, et le gouvernement du Yukon (YG) ont tous les deux défailli à leurs missions. 

Selon lui, rien ne prouve que YG a pris en considération ces questions lors de l’octroi des licences ou de l’évaluation. Aucune certitude non plus sur le fait que l’inspecteur a identifié ces questions comme étant pertinentes, ou que YG a engagé des experts qualifiés pour mener des inspections géotechniques ou examiner les conceptions finales ou les rapports de construction. 

« VGC et YG ont échoué dans leurs rôles respectifs d’entreprise responsable et d’entité chargée du contrôle de la règlementation de l’industrie des mines au Yukon », a-t-il asséné. 

D’après M. O’Donoghue, le gouvernement n’a pas réagi comme il aurait dû le faire face aux problèmes liés à la gestion opérationnelle des solutions de lixiviation. Entre 2020 et 2023, le gouvernement s’est montré peu réactif, affichant une position ambigüe face aux manquements observés dans les opérations de la mine, a-t-il fait remarquer.

Un parcours exemplaire pour la mine ? 

Dans un communiqué daté du 10 mai 2024, soit 45 jours avant l’accident, Victoria Gold a annoncé durant son assemblée générale annuelle, s’attendre à ce que « les niveaux de production soient conformes aux attentes de la direction, que les équipements fonctionneront comme prévu, que les autorisations règlementaires requises seront obtenues, qu’aucun problème géologique ou technique inhabituel ne se produira, qu’aucun changement défavorable important ne surviendra dans le prix de l’or et qu’aucun évènement significatif ne se produira en dehors du cours normal des activités de la société. »

Pour rappel, Eagle Gold a entamé ses opérations le 1er juillet 2019 et a coulé un premier lingot d’or le 17 septembre de cette même année. 

Le 2 février 2022, YG récompensait Victoria Gold pour son excellence en exploitation minière lors d’un gala de remise des prix de l’Association for Mineral Exploration à Vancouver. 

En 2023, la compagnie annonçait avoir « obtenu un financement unique de 505 millions $ au début de l’année 2018, combinant le financement d’équipements, la dette du projet, la levée de fonds propres, une redevance NSR de 5 %, des bons de souscription et des options d’achat d’or. »

Ce parcours hors norme n’est pourtant pas exempt d’erreurs. M. O’Donoghue souligne d’ailleurs qu’un incident comparable à celui de 2024 a été évité de justesse durant l’hiver 2022.

Agir pour stopper les accidents

NDD réclame une enquête publique depuis un an. Dawna Hope, cheffe de la Première Nation Na-Cho Nyäk Dun, estime que seule une enquête publique pourrait stopper l’historique des accidents miniers au territoire. 

« Nous avons besoin d’une enquête publique pour nous assurer que cela ne se reproduise plus. Nous devons mettre fin à cette série d’échecs au Yukon.” 

En effet, l’examen technique indépendant mené par le gouvernement du Yukon n’est pas suffisant, selon Mme Hope. La mise en place d’une enquête publique est essentielle pour examiner la manière dont les mines du Yukon sont approuvées, règlementées, inspectées et contrôlées. « Sans comprendre ce qui s’est passé, la justice ne peut être rendue, insiste-t-elle. Les Premières Nations du Yukon et les exploitants miniers du Yukon ne peuvent empêcher que cela se reproduise. » 

Randi Newton, responsable de la conservation à CPAWS Yukon (Société pour la nature et les parcs du Canada), appuie cette requête et considère qu’il est important d’examiner pourquoi de mauvaises décisions ont été prises, à la fois par Victoria Gold et YG. Mme Newton rappelle que cette enquête permettra aussi d’établir les points qui ont été négligés, car, en l’absence d’état des lieux et d’analyse des faits, les solutions ne peuvent pas être mises en place.

« Une enquête peut porter sur la responsabilité, mais il ne s’agit pas forcément de désigner un coupable. Elle peut être motivée par la curiosité et l’apprentissage, car, de toute évidence, les accidents continuent de se produire », a-t-elle expliqué lors d’une entrevue. 

En effet, l’histoire minière du Yukon est peu enviable. De Keno à Faro, le passé minier du territoire est entaché d’accidents divers et d’épisodes de contaminations qui ont laissé une empreinte durable. En 1962, le ministère des Affaires du Nord et des ressources nationales, dépendant du gouvernement fédéral, dénombrait 35 accidents qui ont fait 47 blessés et un mort parmi les mineurs. La mine de Faro sur le territoire traditionnel des nations Kaska, abandonnée en 1998 après 30 ans d’exploitation, a laissé derrière elle 70 millions de tonnes de résidus. 

Des autorisations accordées trop rapidement ?

Le 7 décembre 2015, Victoria Gold Corporation a reçu le permis définitif d’utilisation de l’eau autorisant la construction, l’exploitation et la fermeture du projet Eagle Gold. Cependant, Mme Newton se remémore avoir été sceptique durant la période 

initiale d’évaluation du projet : « Quand je repense à la règlementation d’Eagle Gold et à l’évaluation initiale du projet, j’ai constaté que l’entreprise faisait preuve d’une grande confiance en elle. Elle se mentait peut-être même un peu à elle-même sur sa capacité à mener à bien ce projet et faisait preuve d’un excès de confiance quant à sa capacité à réagir en cas de catastrophe, à gérer la mine et à la concevoir de manière optimale », souligne-t-elle. 

Le nouveau gouvernement du Yukon, formé suite aux élections du 3 novembre 2025, n’a pas encore fait part de sa position quant à cette demande. Lors de sa campagne électorale, le parti du Yukon, aujourd’hui, majoritaire à l’Assemblée législative avait indiqué, le 15 octobre 2025, qu’il souhaitait moderniser la législation minière en collaborant avec les gouvernements des Premières Nations et l’industrie minière afin de créer un cadre législatif permettant l’exploration, le développement et l’exploitation des mines de manière responsable, tout en « respectant et en impliquant les Premières Nations du Yukon. »

La politique minière de la Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun 

Datée de juin 2024, cette politique établit l’approche du gouvernement autonome de la Première Nation à l’égard des activités minières sur son territoire traditionnel. Elle a été élaborée dans un souci de clarté, de transparence et décrit les procédures spécifiques et les principes directeurs qui sont fondés sur ses droits, y compris le consentement libre, préalable et éclairé. Le document détaille un processus en plusieurs étapes pour les promoteurs, exigeant un protocole d’entente, suivi d’une évaluation par le département des Terres et des Ressources et d’une détermination de NDD. La politique souligne l’importance de la restauration écologique et de l’alignement sur les traités et les droits ancestraux de la Première Nation de Na-Cho Nyäk Dun.

Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.