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le Vendredi 30 janvier 1998 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Autochtones

Une langue en péril ? L’avenir de l’inuktitut au Nunavut

Une langue en péril ? L’avenir de l’inuktitut au Nunavut
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Selon certaines personnes, si la situation n’est pas prise en main dès maintenant, l’avenir de l’inuktitut serait alors en péril.

« Dans un cadre traditionnel, lorsque les enfants font des erreurs en parlant l’inuktitut, les parents ou la parenté en général ne les corrigent pas. L’inuktitut étant la seule langue en usage, les jeunes apprennent tôt ou tard à bien parler leur langue », nous explique l’assistante de recherche de la Société des anciens Inullariit, Leah Otak.

« Par contre, dans un contexte de bilinguisme, il devient nécessaire que les jeunes parlent bien leur langue le plus vite possible puisque l’inuktitut se trouve en compétition avec l’anglais. Il faut également que les parents corrigent et insistent pour que leurs jeunes parlent correctement l’inuktitut. L’enseignement de la langue à l’intérieur de la famille doit donc changer pour s’adapter aux nouvelles réalités. Il va falloir ainsi que les parents apprennent à corriger leurs enfants. »

Les aînés remarquent que non seulement les jeunes, mais également les jeunes parents font de nombreuses fautes de grammaire et de vocabulaire. Par exemple, plusieurs ne voient plus de différence entre uqarunnattiaqtuq et uqattiarunnaqtuq, le premier mot signifiant « il est capable de bien parler » et le second « il parle couramment une langue ». D’autres vont confondre indifféremment certains suffixes ».

« Les vieux parlent une langue claire et précise. Il est facile de les comprendre. Les jeunes parlent l’inuktitut « à peu près ». Il faut alors se forcer pour tenter de les comprendre », admet Leah Otak.

Le problème implique également l’instruction que les jeunes Inuit reçoivent à l’école. Il existe maintenant un programme axé sur la culture inuit, inuuqatigiit, mais il n’en demeure pas moins que le matériel pédagogique en inuktitut est parcimonieux.

De plus, dès la troisième année les jeunes débutent progressivement leur éducation en anglais jusqu’à une demie journée par jour au primaire et seulement quelques heures par semaine au niveau secondaire. L’anglais est considéré comme langue première par la Commission scolaire de Baffin. L’inuktitut est la langue seconde.

Le plus déplorable est peut-être le remplacement d’une vision du monde par une autre. En effet, on note de plus en plus de structures de pensée anglaise lorsque les jeunes parlent inuktitut. Par exemple, on retrouve maintenant en inuktitut des expressions anglaises comme « the new year is coming ». Dans une pensée inuit traditionnelle, il est incongru de penser que la nouvelle année vienne vers nous !

On parle aussi beaucoup aujourd’hui de douleur intérieure, émotionnelle et de guérison. Autrefois, on s’attendait à ce que les gens soient forts et puissent maîtriser leurs émotions. On ne parlait de douleur intérieure que dans le cas de décès.

Les exemples sont nombreux et cela est sans tenir compte de l’utilisation constante de mots et de phrases complètes en anglais au cours d’une conversation en inuktitut.

« Il est dommage que les Inuit pensant comme les Qallunaat doivent maintenant faire l’effort d’apprendre et de tenter de comprendre le système de pensée inuit ! », s’exclame l’assistante de recherche pour la Société des anciens d’Igloolik.

La semaine de l’inuktitut à Igloolik est sûrement une bonne initiative pour s’approprier localement de sa langue. Les gens sont de plus en plus conscients de leur langue et de l’héritage linguistique qu’ils souhaitent léguer à leurs enfants. Il y aurait beaucoup de progrès réalisés depuis cinq ans au niveau de la langue parlée par les Iglulingmiut, selon Leah Otak.

Il faudra faire encore plus. L’inuktitut devra également conquérir les lieux du pouvoir politique et économique pour retrouver tout son prestige auprès de la génération inuit montante. L’inuktitut devrait se retrouver ainsi parmi les symboles de l’avancement social.

Une langue en péril ? Peut-être pas si les Inuit s’unissent dans une même voie pour en faire l’une de leur priorité, tant au niveau communautaire qu’au Nunavut dans son ensemble.

Cela semble être la voie politique que les délégués de la dernières assemblée générale annuelle de NTI à Igloolik ont emprunté, soit de faire de l’inuktitut la langue officielle de travail du gouvernement.