C’est en ces termes que le juge René Dussault a qualifié la situation des peuples autochtones et inuit du Canada lors du deuxième colloque du département d’Études inuit du Collège Marie-Victorin à Montréal, les 25 et 26 mars dernier. Le juge Dussault a été co-président de la Commission Royale d’Enquête sur les peuples autochtones avec Georges Erasmus.
Comme co-président de la Commission, le Juge Dussault a arpenté le Canada durant 178 jours d’audition, à l’écoute des communautés nordiques, des organisations inuit et autochtones, et d’une foule d’experts sur les moyens à prendre pour corriger les erreurs du passé.
Les paroles du juge Dussault étaient à la fois claires, graves et percutantes. Le défi posé au Canada est énorme. Il a cité quelques chiffres effarants. En Saskatchewan, 72% des détenus dans les prisons sont autochtones (incluant les Inuit). 47% au Manitoba. La plupart des détenus proviennent de milieux urbains. Dans les communautés, on note un taux de chômage de 48%.
Les Canadiens devraient être beaucoup plus informés sur les premiers occupants du pays et nos rapports avec eux car les « façons de faire qu’on leur offre ne sont pas du tout adaptées. On a perdu de vue la réalité. L’avenir ne doit pas être construit autour de la loi sur les Indiens. » a précisé le juge Dussault. C’est ni plus ni moins à un changement radical d’attitudes et de politiques auquel les auteurs du rapport convient les citoyens canadiens même s’ils ne s’illusionnent pas sur le temps que ça prendra: « Le rapport a des objectifs à long terme. »
Le juge a donné comme exemple, les sommes considérables dépensées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord annuellement. « C’est comme l’ACDI! Ça profite d’abord à des blancs. Il faut que ces argents-là profitent aux communautés autochtones en premier lieu. »
Durant leur tournée du Canada, qui les aura amenés dans 96 communautés, les commissaires y ont constaté partout « une vitalité considérable. » Pour sa part le juge Dussault y voit là « une richesse dont on a pas encore bénéficié. »
Le conférencier invité a par ailleurs souligné que le défi le plus difficile à relever se trouve dans les mains des autochtones et Inuit eux-mêmes qui doivent retrouver et rebâtir leur fierté tout en développant la vitalité économique de leur communauté. Toute transformation positive doit d’abord passer par la guérison sociale. Il a rappelé que le taux de suicide chez les Autochtones et Inuit du Canada est de 8 fois plus élevé que la moyenne nationale.
Il a attribué cette sinistre statistique au chômage, au désoeuvrement dans les communautés et surtout à la perte du rôle de producteurs pour les hommes en rappelant que le suicide touche d’abord les jeunes hommes.
Il a conclu son allocution en affirmant que le Canada n’a pas le choix et doit aller de l’avant dans ce dossier.