Plus de 112 ans après avoir été pendu à Regina pour haute trahison, Ottawa cherche toujours une façon élégante de reconnaître la contribution du leader métis dans la construction du pays.
Pour en finir avec l’époque où le gouvernement avait une attitude paternaliste et trouble avec les autochtones et en réponse au volumineux rapport de 2 500 pages de la Commission royale sur les peuples autochtones, Ottawa a choisi de présenter « ses plus profonds regrets à tous les peuples autochtones du Canada » à propos des gestes passés par le gouvernement fédéral.
La Déclaration de réconciliation qui a été lue par la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Jane Stewart, en présence des leaders des Premières nations, des Inuits et des Métis est essentiellement une reconnaissance officielle de tout le mal que le gouvernement canadien a fait subir aux autochtones.
Le gouvernement reconnaît aussi le rôle qu’il a joué dans l’instauration et l’administration des pensionnats, où les autochtones ont subi des sévices physiques et sexuels.
La Déclaration de réconciliation fait aussi mention de l’affaire Riel. Le gouvernement évite cependant de s’excuser et ne propose encore aucune solution qui permettrait de tourner la page de ce douloureux épisode de l’histoire canadienne.
« Aucune réconciliation avec les peuples autochtones ne peut être faite sans évoquer les tristes événements qui ont entraîné la mort de Louis Riel, chef métis. Ces événements se sont produits, et nous ne pouvons retourner en arrière. Néanmoins, nous pouvons chercher, et nous continuons de chercher, des moyens de reconnaître les contributions des Métis au Canada et de refléter la place qu’occupe Louis Riel dans l’histoire de notre pays ».
Le président du Conseil national des Métis s’est dit heureux de cette référence à Louis Riel: « Il est vrai de dire qu’il s’agit d’une sombre partie de l’histoire du Canada » a commenté Gérald Morin.
Il espère qu’Ottawa corrigera au plus tôt l’injustice commise à l’endroit du chef historique des Métis. Louis Riel, qui est considéré comme le fondateur du Manitoba, a été condamné pour haute trahison et exécuté par pendaison le 16 novembre 1885 à Regina.
M. Morin a d’ailleurs profité de la tribune qui lui était offerte pour rappeler à tous l’importance historique de Louis Riel.
« Un homme et un leader qui s’est battu pour les droits et les intérêts de la nation métis. Qui s’est battu pour les droits et les intérêts des Canadiens de l’Ouest qui se sentaient aliénés par rapport au gouvernement central à Ottawa. Un homme qui s’est battu pour les Canadiens français partout au Canada et pour les Québécois…. »
Le président du Congrès des peuples autochtones, Harry Daniels, a carrément exigé que le fédéral révoque l’accusation de haute trahison à l’endroit de Louis Riel.
La député bloquiste Suzanne Tremblay, se demande comment il se fait que le gouvernement fédéral continue de chercher une façon de reconnaître la contribution de Louis Riel. Elle rappelle qu’elle a déposé à quatre reprises depuis 1994 un projet de loi privé pour réhabiliter Louis Riel et annuler la déclaration de culpabilité et que ce projet de loi a toujours été rejeté par le gouvernement libéral.
La dernière tentative de la député bloquiste remonte au 10 décembre 1996. La Chambre des communes avait défait la motion par un vote serré de 112-103. Le député-ministre de Glengarry-Prescott-Russell, Don Boudria, la députée-ministre de Sudbury, Diane Marleau, et la ministre du Patrimoine, Sheila Copps, avaient voté contre la réhabilitation de Louis Riel.
Le député libéral de Saint-Boniface au Manitoba, Ron Duhamel, avait toutefois voté en faveur de la motion.
Mais outre la mention de l’affaire Riel dans la Déclaration de réconciliation, M. Morin trouve que la réponse fédérale au rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones « offre très peu » au peuple métis: « Nous sommes très désappointés ». Il a appelé le gouvernement fédéral à traiter d’égal à égal avec les peuples autochtones, ce qui était une des recommandations importantes de la Commission: « L’approche unilatérale adoptée dans le passé doit prendre fin, » a insisté M. Morin.
« Notre peuple vit dans la pauvreté et est marginalisé depuis le début de la Confédération et cela se poursuit toujours, » a aussi rappelé le chef Morin, qui réclame des modifications juridiques pour permettre aux Métis de participer au processus de rétrocession des terres et de négocier des traités.
Le Chef national de l’Assemblée des Premières nations, Phil Fontaine, est le seul qui a accepté « les excuses » du gouvernement fédéral. Pour les autres, dont la présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, Marilyn Buffalo, et le président du Congrès des peuples autochtones, Harry Daniels, « les regrets » du gouvernement fédéral ne sont en aucun cas comparables aux véritables excuses publiques formulées en 1988 à la Chambre des communes par le gouvernement fédéral à l’endroit des Canado-Japonais, qui avaient été internés pendant la Deuxième guerre mondiale.
Le président du Conseil national des Métis était surtout satisfait de constater que le fédéral avait pris la peine d’inclure son peuple dans le processus de réconciliation.
Le premier ministre Jean Chrétien était absent de la cérémonie de réconciliation.