le Dimanche 20 avril 2025
le Vendredi 9 mai 2008 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Autochtones

Pensionnats indiens: Une commission pour connaître la vérité

Pensionnats indiens: Une commission pour connaître la vérité
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La création d’une commission spéciale pour connaître l’histoire des Autochtones dans les pensionnats indiens est bien accueillie en général, mais plusieurs se demandent s’ils auront le courage de témoigner.

Pour remettre en contexte, la Commission de la divulgation des faits et de la réconciliation fait partie de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, conclue en mai 2006, entre le gouvernement fédéral et l’Assemblée des Premières Nations (APN). En plus de prévoir des compensations financières pour les Autochtones ayant déjà fréquenté un pensionnat catholique ou fédéral, l’entente a aussi voulu la mise en place d’un mécanisme afin d’encourager le processus de réconciliation.

La commission évaluée à 60 millions $ se déroulera sur 5 ans et prévoit une tournée à travers tout le pays. Harry LaForme, un juge autochtone à la Cour d’appel de l’Ontario, a été nommé à la fin avril président de cette commission. La composition du comité devrait être complétée le 1er juin.

« La Commission de la divulgation des faits et de la réconciliation pourrait être un tournant dans les relations entre les Premières Nations et le Canada. Nous serons en mesure de rétablir la vérité historique et de donner à notre population l’occasion de parler aux Canadiens comme ils n’ont jamais pu le faire avant. Il n’y aura plus de secrets », a déclaré le Chef national de l’Assemblée des premières nations, Phil Fontaine, à l’occasion de la nomination de M. LaForme.

Il s’agit d’un précédent historique au Canada et dans le monde occidental. Des commissions du même type se sont déjà déroulées en Afrique du Sud, suite au régime de l’apartheid, ou dans des pays du tiers-monde qui ont vécu des guerres civiles comme le Chili et le Sierra Leone.

Les plaies du passé

Aux TNO, l’établissement des pensionnats indiens à la fin du 19e siècle pour se poursuivre jusque dans les années 1970 a bouleversé la presque totalité de la population autochtone et la création d’une commission sur la réconciliation amène toute sorte de réactions. Robbie Beaulieu a passé cinq années de sa vie dans un pensionnat indien de Fort Smith. Avec les années, il en était venu à effacer cette pénible expérience de sa mémoire, mais le récent exercice pour déterminer son admissibilité aux compensations financières pour les anciens pensionnaires fut significatif pour lui. « Dans le processus d’appel, quand ils m’ont questionné, ça m’a ramené des souvenirs que je ne pensais même plus avoir après toutes ces années », a-t-il indiqué.

Selon lui, la tenue d’une telle commission sera bénéfique pour ceux qui voudront bien livrer leur témoignage. « Quand tu en parles et que tu t’exprimes, tu guéris. La douleur que tu ressens quand tu en parles finit par sortir de toi. C’est ce qui m’est arrivé. Ça l’a ouvert des choses en moi. Cette commission sera comme un miroir », a expliqué celui qui habite maintenant Yellowknife.

Mary, une dame d’origine tlicho, a vécu plusieurs années dans un pensionnat indien. Même si elle paraissait peu confortable d’aborder le sujet, elle a quand même accepté de commenter l’existence de la commission. « Si [la commission] vient ici, je n’irais pas. Ça ne servira à rien. Ça va juste ramener des mauvais souvenirs », a-t-elle brièvement dit.

Assise paisiblement devant le bureau de poste de Yellowknife, une Autochtone originaire du Delta prénommée Patricia n’était pas au courant du processus mis en place par le gouvernement. Celle qui a fréquenté un pensionnat indien de Fort McPherson pendant 13 ans ne savait pas trop quoi penser de cette commission sur la réconciliation. Après un moment de réflexion, la vieille dame admet qu’une telle tribune peut avoir du bon, mais elle ne pense pas qu’elle y serait à l’aise pour raconter son enfance au pensionnat.

Le chef de la Première Nation Dénée des Yellowknifes de Dettah, Edward Sangris, dit comprendre que des gens soient réticents à témoigner de leur expérience et « ouvrir des vieilles plaies », mais il est persuadé du bien-fondé de cette commission.

« Je pense que les gens ont besoin d’en parler. Il faut aussi connaître la vérité sur ce qui est arrivé aux gens. Je sais que ça va être difficile, mais je pense que les gens doivent panser leurs plaies et aller de l’avant au lieu de rester sur des vieux souvenirs », a-t-il déclaré.

Le seul reproche que le chef déné pourrait apporter sur cette commission est qu’elle ne se soit pas tenue avant. « Je pense que c’est beaucoup trop tard. Beaucoup de gens sont morts avec leurs souvenirs sans qu’ils aient pu faire la paix avec eux-mêmes », a-t-il signalé.

M. Sansgris et ses collègues ont par ailleurs voté une motion lors de la réunion des leaders dénés de la semaine dernière pour intimer la Commission de la divulgation des faits et de la réconciliation, et son président Harry LaForme, à visiter toutes les communautés des TNO où des pensionnats indiens ont été établis. « Après tout ce que les gens ont vécu ici, je ne crois pas que ça soit trop demandé », a révélé le chef de Dettah. À l’heure actuelle, sept audiences de la Commission sont prévues à la grandeur du Canada en plus de quelques consultations locales.