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le Vendredi 27 février 2009 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:37 Autochtones

Hay River La parole aux survivants

Hay River La parole aux survivants
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Un avocat de la Colombie-Britannique vient à la rencontre des anciens élèves des pensionnats indiens pour leur présenter deux nouvelles procédures de demande de compensation financière.

Lors de la première réunion à Hay River, au Soaring Eagle Friendship Center, un Déné de Fort Resolution écoute patiemment Dan Carroll, l’avocat qui parle en face des huit personnes rassemblées dans la salle. Puis, lorsque ce dernier semble avoir terminé, l’homme prend la parole et déclare haut et fort sa frustration. « Les paiements sont trop longs à venir, c’est frustrant à la longue, dit-il d’un ton poli mais froid. Moi ça fait six ans que j’attends une réponse. »

Ce à quoi Dan Carroll a répondu qu’il est là justement pour expliquer deux nouvelles procédures. Il a reconnu que, durant les dix dernières années, de nombreuses plaintes ont été déposées pour demander des compensations suite à des torts subis dans des pensionnats, et que ces initiatives ponctuelles, un peu partout au Canada, traînaient dans le temps.

« En septembre 2007 fut institué un Accord National (National Settlement) pour accélérer les procédures, détaille-t-il. Un juge a été nommé dans chaque province et territoire pour recevoir les dossiers. La démarche judiciaire a été éliminée. Dorénavant le processus inclut un principe d’audition privée pour ceux qui souhaitent faire entendre leur voix. Vous serez entendus, écoutés et respectés sur la base d’une rencontre confidentielle avec un avocat, à quelque endroit où vous vous sentirez à l’aise, que ce soit dans un bureau, dans un local ou même dans votre cuisine!»

D’ores et déjà, un survivant de pensionnat peut prétendre à recevoir une compensation financière de 10 000 $ pour la première année d’école puis de 3 000 $ par année supplémentaire. Cette mesure compensatoire s’intitule Common Experience Payment (CEP) et n’exige de la part du survivant qu’une formalité administrative. Il remplit un dossier, le gouvernement vérifie dans ses listes que le plaignant a bel et bien été en pensionnat aux dates mentionnées puis il règle la compensation financière.

En revanche, il y a un autre volet de l’Accord National qui s’appelle Individual Assessment Process (IAP), plus complexe dans son contenu car il touche aux abus commis dans les pensionnats. Le survivant n’a pas besoin d’aller en Cour, il doit exprimer à un avocat les abus qu’il a subis et les conséquences qu’ils ont répercutées dans sa vie. « Dans le cas de l’IAP, nous travaillons en nous basant sur un ensemble rédigé de règles, qui identifie les différents types d’abus et les compensations auxquelles ils donnent droit, explique M. Carroll. Par exemple, il y a cinq types d’abus sexuels et deux catégories d’abus physiques qui débouchent sur des négociations différentes selon la catégorie du fait relaté. »

Une participante demande si les dommages psychologiques causés par des abus vécus ou dont le survivant a été témoin et traumatisé sont pris en compte dans ces règles. « Oui, répond M. Carroll, dans la mesure où le survivant peut prouver que son incapacité causée par ce genre de dommage a eu des répercussions négatives sur sa vie familiale, pour lui-même ou sa famille, sur sa capacité à suivre des études ou à travailler. »

C’est dans le cadre de ces auditions que les avocats entrent en scène. Ils recueillent les témoignages, aident les survivants à compiler les faits, présentent les dossiers au juge. Celui-ci approuve ou demande des preuves supplémentaires. Cette démarche, encore une fois, ne nécessite pas la mise en branle de toute une Cour. Un juge est habilité à recevoir les dossiers et à prendre tout de suite une décision.

« Comment nous, avocats, fonctionnons-nous avec vous? dit M. Carrol au groupe. Nous tirerons notre rémunération par un pourcentage sur les compensations que nous vous aiderons à obtenir. Nos services ne vous coûteront pas d’argent, car le gouvernement fédéral couvrira les frais et nous avons été recrutés par des organismes gouvernementaux, religieux et associatifs pour faire ce travail avec vous. »

M. Carroll travaille au cabinet Fulton & Company de Kamlops, en Colombie-Britannique. Il est avocat en droit criminel et participe depuis bientôt deux ans aux consultations publiques et privées auprès des survivants des pensionnats indiens.

Interrogé sur le nombre de survivants confrontés aujourd’hui, à travers le Canada, avec ces questions de compensation, M. Carroll avance un chiffre de 80 000 survivants, chiffre dévoilé récemment par le gouvernement canadien après avoir fait le recensement des pensionnats et du nombre des élèves hébergés.