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le Jeudi 6 juillet 2017 14:01 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Autochtones

Au nord du Grand lac des Esclaves Possible perte de droits ancestraux métis

Au nord du Grand lac des Esclaves Possible perte de droits ancestraux métis
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Les Métis du nord du Grand lac des Esclaves risquent d’être gravement touchés par une entente de principe qui viendrait retirer leurs droits ancestraux prévus dans la loi constitutionnelle canadienne.

Alors que le Canada vient tout juste de célébrer son 150e anniversaire, le président de l’Alliance métisse du Slave Nord, Bill Enge, explique qu’il s’avère difficile d’avoir le cœur à la fête avec une affaire au tribunal. Résilient, il explique : « Le Canada est un projet en cours. Ça n’a pas atteint son potentiel encore. Ça grandit encore, notre constitution date de 1982, c’est seulement 35 ans. […] Je vais célébrer le Jour du Canada, je vais célébrer notre pays, j’aime le Canada, c’est un pays extraordinaire. Il y a tellement d’espace pour nous tous ici. Il y a de la place pour les Métis au Canada aussi… »

Il affirme ne pas avoir été consulté lors de l’élaboration d’une entente de principe, signée par le gouvernement fédéral, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest et la Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest. La Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, anciennement connue sous le nom Conseil tribal des Métis du Slave Sud, représente les collectivités de Hay River, Fort Resolution et Fort Smith. La région de Yellowknife n’y est pas représentée.

L’Alliance métisse du Slave Nord a déposé une requête pour révision judiciaire, qui a été présentée à la cour au début du mois de juin 2017, pour tenter de remédier à la situation.

Le fait que l’Alliance métisse du Slave Nord ne soit pas consultée ou incluse dans cette entente de principe met en danger les droits ancestraux des personnes métisses vivant au nord du Grand lac des Esclaves.

« [Sans la reconnaissance de l’article 35 des droits ancestraux,] cela veut dire qu’on ne peut plus pêcher sur le côté nord du Grand lac des Esclaves, qu’on ne peut plus récolter du bois de chauffage, qu’on ne peut plus cueillir de baies, que nous n’avons pas le droit de nous assurer que des compagnies minières multinationales se comportent correctement. Cela veut dire que nous n’avons plus à être consultés à propos du développement qui se fait dans notre cour arrière, parce que nous n’avons plus l’article 35 pour nous assurer que ces droits sont respectés quand la Couronne elle-même entreprend quelque chose ou autorise un tiers à faire quelque chose dans notre arrière-cour », détaille M. Enge.

Une consultation jugée « adéquate »
Au sujet de cette affaire, le ministère des Affaires autochtones et du Nord a commenté par courriel : « Dans le cadre du processus de conclusion de traités modernes avec les groupes autochtones, le Canada est déterminé à mener des consultations relatives à l’article 35 qui sont approfondies. Nous croyons que le processus de consultation au sujet de l’entente de principe avec la Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest était adéquat. Nous continuerons à consulter l’Alliance métisse du Slave Nord lors du processus visant la conclusion d’un accord définitif. Comme les tribunaux sont saisis de cette affaire, nous ne pouvons faire d’autres commentaires. »

Le site Web du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest indique que les négociations en vue d’un accord définitif sont en cours et sont basées sur les négociations de l’accord-cadre des Métis du Slave Sud de 1996, qui ne régit pas la question du Nord du Grand lac des Esclaves.

Un dossier à suivre
Si la Couronne décide d’aller de l’avant avec cette entente de principe telle qu’elle est présentement, M. Enge ne voit rien d’autre que l’extermination des Métis du Nord du Grand lac des Esclaves. Dans sa requête de révision judiciaire, il demande à la Couronne d’inclure l’Alliance métisse du Slave Nord dans l’entente, ou de donner le choix aux membres d’y adhérer ou non.

À la suite de cette demande de révision judiciaire présentée à la Cour fédérale, Bill Enge a reçu une invitation à rencontrer le sous-ministre adjoint principal du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Secteur des traités et du gouvernement autochtone, Joe Wild, le jeudi 6 juillet.

Une question d’ethnicité
« En ce qui concerne les membres de l’Alliance métisse du Slave Nord, cela nous signale que l’intention est d’éteindre nos droits ancestraux prévus à l’article 35, pour la région au nord du Grand lac des Esclaves, avec une clause d’éligibilité dans cette entente territoriale, basée sur l’ascendance dénée de nos membres », explique Bill Enge. Ce qui voudrait dire que l’entente de principe ne tient pas compte de la réalité métisse, qui doit être évaluée par le test Powley et non pas par l’ascendance, au sens de la loi.

M. Enge déclare que les Métis ne détiennent pas leurs droits ancestraux seulement par le biais de leurs ascendances, mais plutôt par la langue, la culture, la musique, le lien avec d’autres Métis, des facteurs multiples qui font qu’une personne satisfait les critères du test Powley. Pour Bill Enge, donc, cette entente n’est simplement pas une entente métisse.

Le test Powley
En 1993, un père et son fils, Steve et Roddy Powley, vont à la chasse à l’original sans vignette d’abattage du gouvernement de l’Ontario. Métis, ils n’avaient pas le droit, contrairement aux Indiens*, d’exercer leurs droits ancestraux de chasse et devaient suivre le même processus que les non autochtones.

Accusés d’avoir violé la Loi sur la chasse et la pêche de l’Ontario, les deux hommes ont soutenu que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 protégeait le droit des Métis de chasser pour se nourrir. La Cour suprême du Canada a statué en faveur de MM. Powleys en septembre 2003.

Le cas Powley a déterminé la question métisse, au sens de l’article 35 de la loi constitutionnelle canadienne, avec un test qui comprend 10 étapes et trois catégories générales. Le site Web des Affaires autochtones et du Nord du gouvernement canadien décrit les principaux critères pour ce test : la personne doit s’identifier comme membre de la communauté métisse; faire partie d’une communauté métisse existante; avoir des liens avec une communauté métisse historique. De plus, les communautés métisses réclamant des droits autochtones devaient déjà occuper un territoire donné avant que la Couronne ne prenne le contrôle de la région non colonisée.

Le cas du caribou de la harde Bathurst
En 2010, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest avait limité la chasse des caribous de la harde Bathurst à 300 caribous par année divisés entre le gouvernement tlicho et la Première Nation des Dénés Yellowknives.

Aucun n’avait été alloué aux Métis et M. Enge s’était présenté en Cour : « Nous avons prouvé que nous satisfaisons les critères du test Powley et que nous sommes des descendants des peuples historiques métis qui chassaient le caribou avant l’arrivée européenne. » Puisqu’il a gagné cette cause, le président de l’Alliance métisse du Slave Nord soutient qu’il est clair que les Métis possèdent des droits ancestraux dans la région.

*Indiens au sens de la loi