Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest devra valider une éventuelle extension de l’Enquête.
Le manque de ressources en santé et services sociaux est l’élément qui est le plus ressorti des témoignages lors du passage à Yellowknife de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA).
Au niveau systémique, analyse la commissaire Michèle Audette, les causes de la violence faite aux femmes restent les mêmes au Nord qu’au Sud, entre autres la colonisation et le trafic humain.
Là où les Territoires se distinguent des autres endroits où la FFADA a tenu des audiences, c’est dans la quasi-absence de services de programmes adaptés aux cultures autochtones. « Si je vis de la violence familiale, commente la commissaire québécoise, ou de l’inceste sur deux générations, je vais où? Il n’y pas de maison d’hébergement, ou de transition! Ça devient la normalisation, le tabou. Ça devient la culture. »
Ce manque de ressources est-il uniquement l’apanage des dossiers autochtones? Les commissaires croient que c’est généralisé. Cette question, de dire Mme Audette, sera primordiale lors des audiences institutionnelles avec le gouvernement ténois.
La commissaire Qajaq Robinson a également souligné cette problématique. « J’ai entendu que vous aviez peu de ressources vers lesquelles vous tourner, a-t-elle dit à l’assemblée, lors de la cérémonie de clôture, le 25 janvier. Avoir des services dans votre langue fait partie de vos défis. J’ai entendu que ça va bien quand on respecte votre culture et vos droits. J’ai entendu le besoin d’affronter le racisme. »
Autre spécificité ténoise, positive celle-là, soulignée par la commissaire Audette : le rôle positif parfois joué par la Gendarmerie Royale du Canada (GRC). Plusieurs familles en privé et une en public auraient mentionné à quel point le simple fait que la GRC ait fait avec elles le suivi sur un drame avait joué un rôle dans le processus de guérison. « C’est seulement la deuxième fois que j’entends ça en neuf audiences, précise Mme Audette, l’autre étant à Smithers, en Colombie-Britannique. Il faut que ça devienne un exemple. »
Extension
Au moment d’écrire ces lignes, il ne semble pas que la FFADA ait officiellement demandé au gouvernement fédéral une extension de son mandat, mais cette extension est nécessaire, affirme Michèle Audette, pour que le rapport « ait toute la crédibilité ».
Selon l’agenda prévu, la FFADA doit faire de la recherche et de l’analyse à partir du 20 mai afin de préparer les recommandations qui seront contenues dans son rapport, à remettre le 31 octobre. Théoriquement, l’Enquête cesse d’exister le 31 décembre 2018. Or, elle n’a pas fait le tour des lieux où elle doit aller, un itinéraire qui n’est pas fixé d’avance. Elle a aussi reçu d’autres d’invitations qui, selon le protocole, doivent être validées avec le Cercle conseil national des familles et différents groupes autochtones nationaux.
Un travail immense
À Yellowknife, l’Enquête nationale a rencontré 23 personnes en public et 30 en privé. Cela ne signifie pas pour autant que son chapitre ténois soit clos puisqu’il y a un suivi avec ces personnes, et que d’autres Autochtones des TNO peuvent éventuellement témoigner dans une autre province.
« C’est une tâche complexe, sensible, immense dit Michèle Audette. Il y a les volets juridiques et psychosociaux, la question de l’impact après le témoignage, la sécurité aussi, parce qu’une personne peut être en danger parce qu’elle témoigne. Il faut tout analyser et réanalyser pour être sûr qu’on ne se retrouve pas avec quelqu’un qui se suicide ou se fait tuer. Parfois, on reprend une décision. »
La sensibilité des commissaires et du personnel de la FFADA a été appréciée par les Autochtones des Territoires, ne serait-ce que par Sandra Lockhart, qui avait témoigné le 24 janvier. « Cette enquête a donné de l’espoir, a-t-elle ajouté lors de la cérémonie de clôture. ..). Je me sens propre aujourd’hui. J’avais des résistances face à cette Commission, même si j’avais manifesté en sa faveur, mais je suis venue et j’ai été respectée. »
Lourdeur
« On est brûlés », a dit Mme Audette, au sujet de son organisation et d’elle-même. Elle ne se plaint pas du travail, nécessaire, pour autant, mais dénonce les lourdeurs administratives qui génèrent parfois jusqu’à trois mois d’attente pour qu’Ottawa valide l’embauche d’un employé.
Si Ottawa approuve un prolongement du mandat de l’Enquête, il faudrait que les autres provinces et territoires le fassent également afin que l’Enquête conserve ses pouvoirs pan juridictionnels, qui sont, selon Mme Audette, du jamais vu dans l’histoire des commissions canadiennes. Dans le cas des Territoires du Nord-Ouest, ce prolongement se ferait non par un vote de l’Assemblée législative, mais par la simple approbation du Cabinet à l’amendement de l’ordonnance initiale, qui avait été proposée par le ministre de la Justice Louis Sebert.
Les gouvernements, y compris les gouvernements autochtones, souligne Michèle Audette, n’ont pas besoin d’attendre le rapport final de la FFADA avant de commencer à changer des choses. Nombre de groupes ont déjà formulé des recommandations applicables dès maintenant.