Aux yeux du président de la Nation métisse des TNO, Gary Bailey, la Couronne britannique devra prendre ses responsabilités face aux impacts du changement climatique dans les collectivités autochtones du territoire.
Thomas Ethier
IJL – Réseau.presse – L’Aquilon
Le savoir traditionnel autochtone est fondé sur des millénaires d’observations du territoire. C’est ce qu’a fait valoir Tim Heron, ainé métis et détenteur de savoir traditionnel, lors de sa discussion avec le prince de Galles, le 19 mai. Pour la Nation métisse des TNO, cette visite historique représente un pas dans la bonne direction, mais elle devra être accompagnée d’actions concrètes, fondées sur ce que les collectivités ont à dire.
Le bref échange prenait place au parc Rotary Centennial de Yellowknife, à l’entrée de la route de glace qui, en saison hivernale, relie la municipalité à la collectivité de Dettah. Cette structure naturelle, comme bien d’autres à travers le territoire, serait possiblement compromise par le changement climatique et le raccourcissement de la saison froide.
« Le savoir traditionnel se construit depuis des milliers d’années, souligne M. Heron, accompagné d’un chercheur du GTNO, quelques minutes après sa rencontre avec le prince Charles. Il faut transmettre ce savoir aux jeunes et les intéresser à la science pour qu’ils s’investissent eux-mêmes pour leurs terres. Vous pouvez bien faire venir un scientifique d’Ontario, que savent-ils de nos besoins et de nos enjeux ? »
Le prince appelé sur le terrain
Le président de la Nation métisse des TNO, Gary Bailey, était sur place. Ce dernier dit reconnaitre l’importance de cette tournée royale pour la suite des relations entre la Couronne et les peuples autochtones. Il ajoute toutefois qu’elle ne suffit pas. « Qu’on pense aux inondations ou aux feux de forêt, il ne fait aucun doute que certaines collectivités devront être relocalisées dans les prochaines années, et le gouvernement devra payer pour ces opérations », a-t-il affirmé à Médias ténois, quelques jours après l’évènement.
« Les ainés peuvent certainement témoigner des changements, puisqu’ils ont été témoins de l’évolution de ces perturbations, souligne M. Bailey. Ces individus ont observé cet environnement toute leur vie, contrairement aux scientifiques qui arrivent des provinces. Il est important que nous commencions à travailler ensemble, de gouvernement à gouvernement, pour sauver notre territoire. »
Selon lui, les dirigeants doivent reconnaitre ce savoir traditionnel au même titre que le savoir scientifique. « Les détenteurs du savoir peuvent témoigner. C’est eux qui pouvaient boire l’eau directement du lac, avant toutes les perturbations climatiques et la pollution de dernières décennies. Les inondations nous empêchent aujourd’hui d’atteindre nos zones de chasse traditionnelles. »
Questionné sur les attentes de la Nation métisse suite à cette tournée royale, le président dit espérer « encore plus de visites ». « Il aurait été bien qu’il parte observer les effets concrets des dernières inondations dans le Slave Sud, par exemple, ajoute-t-il. Les traités ont été signés au nom de la Couronne, et la Couronne a des responsabilités. »
Les grands oubliés de la monarchie
Les responsabilités de la monarchie s’étendraient aujourd’hui bien au-delà de la question environnementale, selon M. Bailey « Les Métis font partie des grands oubliés. La perspective métisse n’a jamais été reconnue. En signant les traités, seules les Premières Nations ont été incluses, souligne-t-il. Les efforts de réconciliation doivent également inclure les Métis. Nous sommes exclus depuis la signature du traité 8 en 1899. »
La Nation métisse des TNO a signé, en juin 2021, un accord-cadre avec le gouvernement fédéral visant à faire avancer les négociations qui devront permettre de jeter les bases de leur futur gouvernement autonome. « Je crois qu’il serait très important pour le prince de discuter avec les Métis pour la signature d’ententes, au moment où la Nation métisse ira de l’avant pour finaliser sa constitution », affirme le président.
« On parle beaucoup de mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Ce sont tous de beaux mots, mais il ne suffit pas de parler, il faut agir, lance-t-il. La monarchie et le gouvernement doivent reconnaitre les Métis des TNO. Il y a longtemps que c’est attendu. »
Une urgence, selon le prince
« Ce que j’ai entendu à propos des conséquences dévastatrices du changement climatique ici, dans le Nord, et même vu de mes propres yeux, ne fait que me convaincre de la nécessité extrêmement urgente de prendre des mesures décisives et des actions audacieuses au nom des générations futures et de la nature elle-même », a déclaré le prince de Galles lors d’un discours prononcé à Yellowknife, en clôture de la tournée royale.
« Je ne peux que vous dire combien j’encourage les élus du territoire à s’attaquer à ces enjeux en travaillant de pair avec les détenteurs du savoir autochtone, pour rétablir une harmonie avec la nature, tout en examinant des solutions d’énergie renouvelable vitale à l’échelle des collectivités pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, telles que les biocarburants, l’hydroélectricité, l’énergie solaire et les éoliennes. »
« Nous devons simplement tirer des leçons pratiques des connaissances traditionnelles, à travers des liens profonds avec la terre et l’eau, sur la façon dont nous devrions traiter notre planète et, surtout, reconnaitre l’importance vitale de prendre en compte la septième génération à venir », a-t-il ajouté.
Le prince de Galles a également évoqué une récente discussion avec le premier ministre Justin Trudeau, portant sur la mise sur pied de partenariats entre les secteurs publics et privés, et les gouvernements autochtones, afin d’« accélérer la transition vers un avenir plus durable, inclusif et équitable ».