Un panel d’experts du gouvernement et du secteur de l’alimentation a fait le point sur l’accès des collectivités les plus isolées du territoire à une alimentation saine et à des produits essentiels.
Thomas Ethier – IJL
Réseau.Presse – L’Aquilon
Par rapport au reste du pays, les résidents des collectivités éloignées des grandes infrastructures routières subiraient l’inflation de manière disproportionnée. C’est ce qu’avance le vice-président pour la chaine d’alimentation Arctic Cooperatives, Duane Wilson, selon qui le programme fédéral Nutrition Nord avantagerait par-dessus tout les fournisseurs des provinces, en laissant les petits détaillants du Nord, et leur clientèle, absorber des montants substantiels liés à l’inflation.
L’expert a émis ce constat dans le cadre d’un panel sur la sécurité alimentaire aux TNO, organisé le 20 octobre par un comité de l’Assemblée législative. « Les députés qui siègent à ce comité ont été témoin des effets de la chaine d’approvisionnement alimentaire et des prix des aliments sur les résidents tout au long de la pandémie », lit-on dans un communiqué de presse.
« Maintenant que nous sortons de la pandémie, les députés demeurent préoccupés par la fiabilité de la chaine d’approvisionnement alimentaire des TNO, le cout du transport des aliments dans le Nord, le prix des aliments pour les résidents des régions éloignées, et l’accessibilité dans les épiceries du poisson et de la viande sauvage, ou de tout autre produit cultivé localement », y précise-t-on.
Un traitement inéquitable
Le programme fédéral nutrition couvre présentement 20 des 33 collectivités des Territoire du Nord-Ouest. Les subventions, accordées notamment aux détaillants, visent à faciliter l’accès aux aliments sains et autres produits essentiels dans les collectivités où le prix des produits est affecté par des couts de transport élevé.
Selon M. Wilson, malgré de nombreux aménagements au programme Nutrition Nord ces dernières années, les détaillants du territoire seraient désavantagés par l’inflation, comparativement aux fournisseurs des provinces. « [Les fournisseurs du Sud et les détaillants du Nord] reçoivent le même montant de subventions de la part Nutrition Nord, et ce, bien que ces derniers doivent faire face à des couts beaucoup plus élevés », explique-t-il.
De nombreux défis se dresseraient devant les entrepreneurs des collectivités et leurs profits. « Cette subvention ne devrait pas uniquement tenir compte des couts du transport de la marchandise, mais également des couts élevés propres au Nord, liés aux infrastructures de transport, aux couts de la construction, ou encore aux salaires à verser dans les petites collectivités », poursuit M. Wilson.
Le programme Nutrition Nord a évolué depuis sa création en 2011. En plus des bonifications apportées au cours de la pandémie, qui ont été mises en place de manière permanente, le programme a été étendu en aout. On a notamment ajouté 36 millions $ au programme pour l’ensemble du Nord et on a créé, la Subvention pour le soutien aux chasseurs-cueilleurs. Ce programme vise à accroitre l’accès à une alimentation traditionnelle dans les collectivités, à cout abordable.
« Plusieurs initiatives ont été mises en place ces 10 dernières années pour atténuer la hausse des couts de transport, reconnait M. Wilson. Il est toutefois important de souligner que le programme Nutrition Nord ajuste bel et bien son budget total à l’inflation, mais qu’il n’y a toujours pas de mécanisme en place pour ajuster les subventions offertes aux collectivités aux nombreux couts additionnels qu’on doit y absorber. »
Duane Wilson recommande également que le programme Nutrition Nord soit étendu à davantage de collectivités. Quelque six collectivités du territoire ont été incluses durant l’année 2021-2022, certaines sur une base saisonnière pour pallier la fermeture des traversiers durant la période de débâcle.
Comme l’a souligné durant la séanc la députée de Monfwi, Jane Weyallon Armstrong, la collectivité de Behchoko`, située à un peu plus d’une centaine de kilomètres de Yellowknife, se trouve à proximité de la route principale et n’est pas admissible au programme. Pourtant, les résidents doivent présentement débourser environ 11 $ pour deux litres de lait, alors qu’il en coute un peu plus de 4 $ dans la capitale.
Le député de Deh Cho, Ronnald Bonnetrouge a pour sa part déploré que plusieurs résidents des collectivités du territoire, admissibles, ou non, aux subventions de Nutrition Nord, n’ont qu’un très faible pouvoir d’achat et subissent toujours les effets des anciennes politiques colonialistes canadiennes.
Gestion cruciale du transport
Également présent parmi les panélistes, le vice-président aux opérations pour la chaine d’alimentation Northwest Company, Mike Beaulieu, fait état d’avancées importantes dans l’accès aux produits depuis la création du programme Nutrition Nord en 2011. Selon les données présentées au comité, de 2011 à 2019, la vente de produits laitiers aurait augmenté de 25 % dans les collectivités desservies, et la vente de viande, de 43 %.
Seulement 35 % du marché de la Northwest Company dans le Nord – qui inclut les épiceries Northern et Northmart – serait accessible par la route, le reste des épiceries étant desservies par bateau ou par avion et par route de glace durant la saison froide.
Ces deux dernières années, selon M. Wilson, le cout du carburant pour le transport par avion aurait grimpé d’environ 150 %. L’expert préconise aussi une gestion rigoureuse du transport par bateau aux Territoires du Nord-Ouest, dont la disponibilité doit demeurer stable, afin d’éviter les couts liés au transport par avion.
Ces propos ont été partagés quelques jours après l’annulation d’une importante cargaison saisonnière vers la collectivité de Sachs Harbour, en raison de conditions météorologiques dangereuses. Le président du comité, Jackie Jacobson – également député de Nunakput, qui inclut Sachs Harbor – a évoqué la situation au panel d’expert, pour illustrer la forte dépendance des collectivités éloignées à l’aide gouvernementale.
Selon le gouvernement des TNO, une mauvaise communication du service de transport marin aurait rendu la situation particulièrement complexe pour les résidents de la collectivité. La ministre des Infrastructures, Diane Archie, a assuré que les résidents n’auraient pas à assumer les couts additionnels liés au transport par avion.