Les enjeux critiques auxquels les femmes et les filles autochtones doivent faire face ne sont pas abordés dans le nouveau budget du gouvernement fédéral selon Lynne Groulx, directrice générale de l’Association des Femmes Autochtones du Canada (AFAC).
C’est avec déception et découragement que Mme Groulx a découvert le budget du gouvernement fédéral pour l’année 2023. Selon elle, ce budget « ne rencontre pas les besoins et les attentes des femmes autochtones au Canada, surtout du côté du dossier des femmes autochtones disparues et assassinées. » Depuis le 3 juin 2019, jour de la publication du rapport final de l’Enquête nationale, qui contient 231 appels à la justice s’adressant notamment aux gouvernements et aux institutions, aucun geste concret n’a été posé par le gouvernement fédéral.
« Dans ce dossier nous avons eu un rapport d’enquête qui dit clairement qu’on doit mettre en œuvre 231 appels à la justice. Donc c’est 231 façons de régler le problème de la violence contre les femmes [autochtones] et là on se retrouve avec un budget qui a mis très peu d’argent pour les initiatives qui sont nécessaires pour mettre fin à cette violence contre les femmes, » indique Mme Groulx.
Ce manque d’investissement pour mettre fin à la marginalisation économique des femmes autochtones est révélateur du choix des priorités du gouvernement selon Mme Groulx pour qui ce budget est caractéristique d’un manque de détermination.
« Le budget 2023 montre que la protection et l’autonomisation des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre autochtones ne sont pas une priorité pour ce gouvernement, » pense-t-elle.
Elle déplore également le manque de volonté politique et l’absence d’actions concrètes qui montrent un désintérêt du gouvernement fédéral envers les femmes autochtones dont les voix ne sont pas entendues.
Les enjeux spécifiques des femmes inuites
Les femmes inuites du Canada font cependant face à une situation différente et le budget fédéral reflète cette prise de considération. Gerri Sharpe, présidente de l’organisme Pauktuutit qui représente les femmes inuites du Canada se dit satisfaite « de voir une approche pangouvernementale du budget pour faire avancer les priorités en matière d’égalité des sexes. »
Mme Sharpe accueille positivement la création de nouveaux financements pour le suivi et la communication des progrès réalisés dans le cadre de l’enquête nationale sur les appels à la justice qui comprend 46 recommandations spécifiques aux Inuits.
En effet, le rapport final révèle notamment que « les Inuits ont des expériences particulières et distinctes de l’oppression et de la violence coloniale. » Par ailleurs, Mme Sharpe estime qu’il y a de l’espoir malgré l’indolence gouvernementale dans la mise en place des appels à l’action de ce rapport.
« Les progrès pour donner suite au rapport d’enquête de 2019 ont été d’une lenteur inacceptable. Espérons que ce nouveau mécanisme de surveillance motivera tous les gouvernements, le système judiciaire et les autres parties prenantes à réaliser les investissements et les actions qui sont si urgents, » a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse du 28 mars 2023.
L’autodétermination et les financements
La question de la stabilité des financements d’organismes comme l’AFAC est également en jeu. Mme Groulx déplore l’absence de réponses gouvernementales à la suite d’une demande officielle faite au Comité permanent des finances. Selon elle, une stabilité et une sécurisation des financements est une façon d’accéder à l’autodétermination. N’ayant plus d’attentes ni d’espoir, Mme Groulx estime qu’une plainte auprès des Nations Unies est le seul recours tout en continuant à faire du lobbying. Le besoin de financements pérennes de projets communautaires est criant d’après la directrice.
« On a besoin de l’investissement dans les communautés pour que l’on puisse accéder à l’autodétermination. Donc il y a des changements transformationnels qui doivent avoir lieu, car ce sont toujours les petits projets (qui sont financés) et nous, les femmes autochtones, on n’est pas un projet ! Il faut que le gouvernement fédéral prenne ça au sérieux et que ça devienne une priorité pour que les autochtones accèdent à l’égalité de droit de la personne et de participation dans l’économie au même titre que les Canadiens, » conclut-elle.