Les données sont éloquentes : en 1996, le taux d’exogamie allait de 15 à 72 % selon les provinces et territoires canadiens. Aux T.N.-O., cette proportion était de 70 %, et cette tendance est à la hausse. Pas étonnant que les regroupements de francophones vivant en situation minoritaire décrient l’exogamie et ses impacts sur les transferts linguistiques. Ce qui n’a pas empêché un chercheur du Nouveau-Brunswick, Réal Allard, d’en venir à la conclusion que l’exogamie n’est pas nécessai-rement une menace pour la préservation de la langue française.
« Il faut regarder les valeurs du couple. Si le partenaire anglophone est ouvert à l’utilisation du français et qu’il essaie d’en faire l’usage, que l’enfant fréquente un service de garde et une école, francophones, le développement langagier de cet enfant sera similaire à celui d’un enfant provenant d’un milieu endogame. »
Le directeur du centre de recherche et de développement en éducation de l’Université de Moncton en a fait le constat après plusieurs mois de recherche avec un collègue. Son étude, « L’exogamie et le maintien de deux langues et de deux cultures : le rôle de la francité familioscolaire », a été publiée en 1997.
Le chercheur laisse sous-entendre que c’est un ensemble de facteurs qui déterminent le transfert linguistique. Même la connaissance sommaire de la langue peut avoir des impacts sur la vitalité d’une commu-nauté. « Les jeunes en immersion ont une compréhen-sion de la langue et sont ouverts à la communauté franco-phone. »
Selon leurs travaux, une seule différence subsiste sur le plan du développement langagier de l’enfant : l’identité ethnolin-guistique n’est pas la même car l’enfant s’identifie autant à l’anglais qu’au français.
Il admet toutefois à regret que peu de couples font le choix de placer l’enfant dans un environnement francophone, ce qui peut expliquer le discours alarmiste des associations. Une affirmation à laquelle Agathe Gaulin, directrice de la Société EFE (enseignement- formation-emploi) et représentante de la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises (FNFCF), ne donne pas son aval.
La franco-albertaine, qui est très optimiste, croit que beaucoup de partenaires anglophones sont ouverts au français. Ce qui la contrarie, c’est la façon de calculer le taux d’assimilation au pays.
« Toute la population est recensée sur les langues parlées à la maison. Le taux est calculé selon les gens qui parlent encore le français à la maison, moins ceux qui ne le parlent plus. Le français n’est peut-être pas parlé à la maison chez les familles exogames, mais ça ne veut pas dire qu’elles sont assimilées. »
Agathe Gaulin, qui met sur pied des trousses d’animation pour couples exogames les aidant à réfléchir sur les impacts de la mixité linguistique, n’aime pas l’attitude des associations qui mettent un X sur les couples mixtes. « Il faut arrêter ça. Ces gens sont des contributeurs si on ne les rejette pas. » Une position que partage Réal Allard. « Si les commu-nautés manifestent de la vitalité, ces gens-là vont s’y intéresser. »
Le chercheur originaire de la Saskatchewan comprend les inquiétudes des groupes de langue minoritaire. « La ten-dance est très forte» Il suggère plus de sensibilisation et d’éducation sur les droits des minorités. Agathe Gaulin estime que cette sensibilisation doit être faite auprès des femmes. « Les études démontrent que les femmes transmettent plus la langue aux enfants que les pères. »