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le Vendredi 12 avril 2002 0:00 Culture

Les idées nordiques Échange sur les études canadiennes

Les idées nordiques Échange sur les études canadiennes
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« Si nous changeons le territoire, nous changeons les gens. » C’est calqué sur le thème de la conférence Un monde en changement, qui s’est tenue à Yellowknife du 7 au 12 avril dernier, que le président du Fonds mondial pour la nature-Canada (WWF), Monte Hummel a fait valoir son point de vue. Le panéliste, tout comme ses cinq adversaires, s’est prêté au jeu du débat, contournant les questions, esquivant une attaque, ramenant le tir sur un autre sujet.

Les 300 jeunes de 11e année provenant des quatre coins du Canada, n’y sont pas allés de main morte, attaquant des dossiers pointus, actuels. « Vous dites que l’industrie pétrolière est plus sécuritaire et plus propre. Vous entendez quoi par plus sécuritaire ? » Pierre Alvarez, président de l’Association canadienne des producteurs de pétrole, visiblement préparé et pesant bien ses mots, a vanté les mérites des nouvelles technologies, évitant les détails. Julie Desjardins, étudiante du Nouveau-Brunswick, s’est dit déçue que les dossiers n’est été qu’effleurés. « Nous savons que ça crée de la pollution, mais on aurait aimé approfondir le sujet. »

Le thème de l’égalité entre les Autochtones et les Canadiens a ramené la question à la source : qu’est-ce que l’égalité ? Pour Nellie Cournoyea, présidente de l’Inuvialuit Regional Corporation, personne n’est égal. « L’égalité est basée sur les connaissances et l’éducation. Il faut créer un équilibre. » Jose Kusugak, président d’Inuit Tapirit Kanatami et grand défendeur de l’Inuktitut, a fait éclater de rire la salle quand il a mentionné qu’il n’aurait pas de job si tous les Canadiens étaient égaux. « Nous devons donner une chance égale face aux choix, pour pouvoir choisir d’être un chasseur ou un avocat. »

Le procédé physique employé par l’industrie diamantifère pour recueillir la pierre précieuse a été brièvement expliqué par John Bekale, conseiller aux affaires autochtones à BHP Billiton Ltd. Questionné sur le nombre de scientifiques et environne-mentalistes employés par la compagnie, Bekale a répondu que le bureau était « assez énorme ». Une jeune étudiante a interpellé les panélistes sur les impacts démographiques à long terme du développement économique et s’est fait répondre par Nellie Cournoyea, qui « espère que nous n’auront jamais de grandes villes ici. ».

Le père René Fumoleau, résident du Nord depuis plus de 44 ans, a largement parlé en paraboles à la manière des aînés. Il a reçu un concert d’applaudissements quand il a parlé des projets de développements pétroliers. « Les compagnies veulent exploiter les ressources pour réduire le crime ? Pour diminuer le taux de suicide ? Pour améliorer la qualité de vie des gens ? Je crois plutôt que c’est pour faire de l’argent. »

Un jeune étudiant du Québec, Steve Dagenais, a mentionné avoir réfléchi sur ce que les compagnies sont en train de faire, après avoir demandé aux spécialistes quelles stratégies étaient en place pour à la fois protéger l’environnement et exploiter les ressources. « Ma question était claire, mais je n’ai pas eu de réponse. Y ont-il déjà pensé ? » Maxime Pelletier-Labelle, de la même délégation, s’est dit sceptique face aux intentions des multinationales. « Les compagnies américaines disent qu’elles veulent impliquer les communautés dans leur projet. Elles ne seraient pas intéressées à venir ici s’il n’y avait pas d’argent à faire. »

Pour les délégations du Nouveau-Brunswick et du Québec, le contact avec le Nord a été prolifique. « On dirait qu’on est dans un autre pays », relate Maxime. « Nous sommes dans le même pays, mais c’est une culture complètement différente », renchéri Steve Dagenais, qui affirme que sa culture aurait beaucoup à apprendre de celle des Autochtones, comme « le respect des aînés ». Les interventions des participants ont démontré que cette génération n’est pas du tout en dehors des grands débats contemporains, discutant autant de la crise de l’énergie en Californie que du protocole de Kyoto. Le groupe de francophones n’a qu’une chose a déplorer sur l’organisation de l’événement : la conférence auraient pu donner un peu plus d’espace aux débats.