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le Vendredi 4 octobre 2002 0:00 Culture

Droits linguistiques La langue passée à la moulinette ?

Droits linguistiques La langue passée à la moulinette ?
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Le transfert des responsabilités entre gouvernements relègue parfois aux oubliettes les droits linguistiques. Avec le nouveau gouvernement Tlicho qui prend forme, où s’en iront les services en français ?

La Commissaire aux langues officielles, Dyane Adam, a sonné l’alarme durant six ans. Le gouvernement fédéral a finalement réagi. Depuis le 1er avril dernier, tous les transferts de responsabilités du gouvernement fédéral vers un autre gouvernement, le secteur privé, ou un organisme à but non lucratif, doivent répondre aux critères de la nouvelle Politique sur les différents modes de prestation de services. En d’autres mots, lors d’un transfert, les droits linguistiques déjà acquis doivent se perpétuer sous l’égide du nouvel administrateur du service. Si un autre palier de gouvernement prend en charge les soins de santé d’une population donnée, celle-ci est assurée, selon la Politique, d’avoir droit aux mêmes services dans les deux langues officielles.

Le bureau de la Commissaire a exigé, dans son rapport 2000-2001, que le Conseil du Trésor encadre le processus de la dévolution. Des ratés sont à l’origine de la plainte. Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a transféré au gouvernement du Yukon la gestion de plusieurs programmes et services de santé. Lors des négociations, aucune clause de garantie linguistique n’a été annexée à l’accord. Le territoire voisin n’a pas, comme ici, de loi sur les langues officielles. Résultat : les francophones se sont plaints de la difficulté de recevoir des soins de santé en français à l’Hôpital général de Whitehorse.

Les réactions de la Commissaire sur cette nouvelle politique devraient être compilées dans son nouveau rapport annuel, attendu le 3 octobre prochain. D’ici là, la dévolution poursuit son cours entre le gouvernement fédéral et les territoires. Nouveaux joueurs, les Premières Nations ont pris place dans la ronde des négociations. La gestion de ces nouveaux gouvernements demeure encore vague pour le simple citoyen. Est-ce que les francophones doivent s’inquiéter d’une passation des pouvoirs entre le fédéral, le territorial et les futurs gouvernements autochtones? Le négociateur en chef, Jean-Yves Assiniwi, qui représente le gouvernement fédéral dans les négociations entourant la formation du gouvernement Tlicho, rassure les francophones. « Ça va continuer exactement de la même façon que ça se fait aujourd’hui, sans ségrégation », a-t-il mentionné, en marge d’une conférence donnée le 26 septembre dernier par les trois négociateurs fédéral, territorial et tlicho.

Le plan de match, selon le négociateur, est de laisser l’administration des services et des programmes aux mains du gouvernement territorial. De cette façon, les normes établies par le GTNO seront toujours en vigueur. « Je ne vois pas comment la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. ne serait pas applicable, explique Jean-Yves Assiniwi. L’objectif à atteindre, quand il s’agit d’éducation ou de services sociaux, est l’absence de livraison ségrégée. » L’article 7.9.1 de l’Accord des Tlicho révèle d’ailleurs que « le gouvernement territorial et le gouvernement Tlicho exercent leurs pouvoirs respectifs, dans la mesure du possible, de manière à coordonner la prestation des programmes et des services offerts aux citoyens Tlicho et à toutes les personnes qui résident dans les T.N.-O. »

Bien franchement, Jean-Yves Assiniwi admet que la question des droits linguistiques s’est éliminée d’elle-même à partir du moment où le modèle de prestation des services par le GTNO a été retenu. Celui-ci a mis sur pied un appareil de consultation et de livraison au sein duquel les membres, qui seront nommés par les administrations municipales tlicho, s’occuperont de la prestation des services. Le groupe devra rendre des comptes aux GTNO sur le plan des finances, des normes et de l’application des lois.

Ce système devrait demeurer en place pour une dizaine d’année. Après cette période, ce sera le temps d’une mise à jour. « Si on le fait pour plus longtemps, on risque de se retrouver complètement à côté de la norme, spécifie le négociateur en chef. Il est possible que dans une cinquantaine d’années, l’appareil de livraison soit le gouvernement Tlicho. » Le cas échéant, le GTNO pourrait obliger le gouvernement Tlicho, par la force du financement, à respecter certaines lois. « Si les Dogribs décident de faire la livraison de leurs propres programmes et services, c’est parfait. Mais ça n’oblige en rien le GTNO à leur donner un sou. Donc, forcément, s’il y a une négociation qui se fait sur le budget, des conditions y seront rattachées. », de préciser M. Assiniwi