« Nous avons des raisons de nous réjouir mais également de nous impatienter, d’être bien alerte. » – Dyane Adam
Du jamais vu : les langues officielles sont maintenant dans la ligne de mire des décideurs politiques. La Commissaire aux langues officielles, Dyane Adam, a tenu ces propos au lendemain de la publication de son dernier rapport annuel, le 3 octobre dernier. Enchantée par la tournure des évènements qui ont pris un nouveau cap depuis une quinzaine d’années, la Commissaire n’hésite toutefois pas bien longtemps avant de poser un bémol aux bons coups de la dernière année. Selon elle, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour faire reconnaître la dualité linguistique au pays.
Le principal obstacle à l’épanouissement des langues officielles, selon Dyane Adam, est le plan d’action du ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion, qui se fait attendre depuis 18 mois. Ce plan, qui fait partie du mandat du ministère depuis le regroupement en avril 2001 de tous les dossiers reliés aux langues officielles, a fait l’objet de plusieurs recommandations de la part du commissariat. « Dix-huit mois, c’est très long, surtout si l’on considère que l’on a eu un autre discours du Trône. Nous n’avons eu qu’un squelette de ce plan-là. Mais ça demeure toujours des intentions. » Le ministre Dion a fait savoir, le jour de la sortie du rapport, que ce plan ne sera pas dévoilé avant le dépôt du prochain budget.
Le débat entourant l’interprétation de l’article 41 de la Loi sur les langues officielles a également alimenté les recommandations du rapport, au nombre de sept. Cet article stipule que le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement. Selon le rapport, cette disposition a été au cœur de multiples débats depuis l’entrée en vigueur de la loi, en 1988. « Est-ce que cette disposition est exécutoire, donc est-ce qu’elle crée des obligations d’agir pour le gouvernement, ou, comme le prétend Justice Canada, elle est satrictement déclaratoire, c’est-à-dire qu’elle repose sur le bon vouloir du gouvernement. Ça, c’est au cœur des intérêts et des priorités de nos communautés », a mentionné Dyane Adam. Pour la Commissaire, le gouvernement fédéral néglige certains groupes minoritaires quand il prétend qu’il est lié à l’article 41 selon son bon vouloir. « La somme des investissements du gouvernement ne se calcule pas avec des programmes personnalisés ou développés spécifiquement pour des sous-groupes. Le financement important est toujours donné à des programmes qui, d’emblée, vise l’ensemble des citoyens. On s’entend pour dire que l’ensemble des citoyens, c’est normalement la majorité. »
Du côté des bons coups, le commissariat admet que le fédéral a fait des efforts significatifs, comme celui d’investir dans la mise sur pied d’un centre de recherche sur les communautés minoritaires à l’Université de Moncton. Le ministère de l’Immigration a également créé un comité communautaire ministériel pour outiller les communautés minoritaires dans l’accueil des nouveaux arrivants. La sensibilisation du greffier du Conseil privé, Alexander Himelfarb, au dossier des langues officielles est, selon Dyane Adam, est un pas dans la bonne direction. « Que le plus haut fonctionnaire de la fonction publique, qui donne le ton au reste de l’appareil, ait comme priorité pour deux années consécutives les langues officielles, c’est du jamais vu », a fait savoir la Commissaire, qui a recommandé que cette priorité soit reportée pour une période additionnelle de trois ans.
Le gagnant du Prix Leadership pour l’année 2001-2002 est le statisticien en chef du Canada, Ivan Fellegi. Les ministères félicités pour leurs initiatives en matière linguistiques sont, entre autres, Industrie Canada, Patrimoine Canadien et Pêches et Océans Canada. Le prix citron a été remis à Développement des ressources humaines Canada et à la Société canadienne des postes qui, ex equo, ont reçu 50 plaintes recevables provenant du public. Air Canada n’a pas amélioré sa performance et se classe dans la catégorie des 20 plaintes et plus, aux côtés de l’Agence des douanes et du revenu du Canada et de Statistique Canada.