Lorsqu’il voit des images du Moyen-Orient, le téléspectateur nord-américain moyen a l’habitude d’être témoin de manifestations anti-américaines, d’attentats suicide, de pauvreté et de misère. En voyant le film Bagdad or Bust, produit par Paul Gordon, Matt Frame et Adam Bowick, il aura peut-être tendance à changer sa vision de ce monde.
Lorsque Georges W. Bush a officiellement lancé ses troupes à la recherche de Saddam Hussein et de ses armes de destruction massive, les trois cinéastes de Yellowknife ont décidé d’aller voir d’eux-mêmes ce qui se passait dans cette partie du monde qui semble toujours être aux prises avec une multitude de conflits.
« Juste avant que les États-Unis n’envahissent l’Irak, nous avons décidé d’y aller et de voir ce qui s’y passait et de voir ce que les habitants des pays situés autour de l’Irak pensaient de la situation », explique Paul Gordon. En deux semaines, ce dernier a réussi à faire une levée de fonds qui a rassemblé environ 7000 $.
À partir du voyage en voiture de Yellowknife à Ottawa, jusqu’à leur visite à Washington, les trois camarades ont tourné et réalisé des entrevues. Un total de 80 heures de ruban qu’ils ont dû réduire à 84 minutes de film. Un travail titanesque d’une durée de trois mois. « Quelques semaines seulement après notre retour, nous nous faisions demander si notre film était fait. Nous n’avions même pas encore fini de regarder toutes les images ! », raconte Paul.
Le périple des jeunes cinéastes a débuté à Ottawa, alors qu’ils ont assisté à des manifestations contre la guerre, tout comme des manifestations en faveur de la guerre. « La manifestation pro-guerre était pas mal angoissante. On se croyait pratiquement en Allemagne, dans les années 1930. Il y avait environ 10 000 personnes sur la Colline parlementaire, avec des drapeaux américains, qui scandaient des slogans. L’idée d’un rassemblement pro-guerre est assez étrange en elle-même », poursuit Paul Gordon.
L’équipe s’est ensuite dirigée jusqu’à Istambul, en Turquie, avant de continuer vers Israël, la Jordanie et de faire un retour en Turquie, cette fois, pour y visiter les Kurdes, dans le Sud-Est du pays. « Dans les pays islamiques, il y avait définitivement un sentiment anti-américain, anti-Bush. Cependant, les gens, là-bas, semblaient faire la distinction entre les civils et le gouvernement. Définitivement, 90 % des gens avec qui nous avons parlé ne comprenaient pas les motifs des Américains et ne croyaient pas que les Américains avaient d’assez bonnes raisons pour envahir l’Irak », dit Paul.
Avec un rythme accéléré, à l’image du voyage, et plusieurs éclats de rire dans la salle durant la projection, le film ne se veut absolument pas être un documentaire pessimiste, à caractère apocalyptique. « La chose la plus importante est de divertir et c’était notre intention dès le début. C’est certain que nous voulions éduquer, mais tu ne peux pas le faire pour une si longue période, si c’est juste pour avoir des images de bombardements. Après un bout de temps, le public en viendrait à décrocher », explique Matt Frame, qui fait figure de narrateur et d’intervieweur dans le film.
Ce dernier admet que ce voyage au Moyen-Orient a complètement changé sa vision de cette partie du monde. « Nous avons tendance à penser que les Arabes sont des gens toujours en colère et qu’en te voyant, ils assument que tu es Américain et ils veulent te battre ou quelque chose comme ça. Mais ce n’étais pas comme ça du tout. J’étais totalement ignorant. Je déteste dire que les gens sont ignorants et je ne pense pas que ce soit intentionnel, mais nous recevons juste des mauvaises informations sur ce coin du monde. En fait, quand tu prends conscience que ta vision des choses est faussée, tu te sens un peu honteux » poursuit Matt qui considère l’idée de retourner dans cette région pour y passer ses vacances.
Malgré le fait que le Moyen-Orient était considéré comme une « zone de conflit », les deux cinéastes croient qu’ils ne se sont jamais sentis menacés. Ils admettent cependant avoir ressenti un certain inconfort, en zone kurde, à cause de la présence de l’armée turque. De plus, ayant pris l’avion d’un pays arabe vers Israël, ils ont eu droit aux mesures de sécurité très resserrées en entrant dans le pays hébreu. « Nous y avons été interrogés et la sécurité du pays voulait savoir ce qu’il y avait sur nos cassettes », raconte Paul, qui dit y avoir dénoté une tentative d’intimidation.
Les gens rencontrés au sortir de la projection du film semblaient s’entendre sur la qualité du long-métrage, à la fois drôle, informatif et divertissant. Paul Gordon affirme que l’objectif est maintenant de le vendre à l’un des réseaux de télévision nationale ou à une chaîne spécialisée. Des contacts ont aussi été établis avec différents festivals du film. D’ici là, les abonnés du câble pourront voir le film à la télévision communautaire de Yellowknife.
