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le Vendredi 18 mars 2005 0:00 Culture

Un guitariste avant tout

Un guitariste avant tout
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C’est un jeune Dogrib taciturne à la voix chaude et rauque. C’est aussi un des musiciens les plus talentueux au nord du soixantième parallèle. Vendredi dernier, les yeux enfouis derrière son éternel béret noir, Jesse James lançait officiellement Earth Is Crying, son deuxième disque compact. L’Aquilon a rencontré celui qui se qualifie lui-même de « méchant avec une attitude »dans son café préféré, le Javaroma de Yellowknife.

L’Aquilon :Ton album s’appelle Earth Is Crying. Pourquoi la Terre pleure-t-elle ?

Jesse James : Au départ l’album devait s’appeler Nomad. Mais Earth Is Crying s’est imposé de lui-même. Avec tout ce qui se passe dans le monde il semble que la Terre doit pleurer pour de vrai. Et, à plusieurs égards, cela signifie s’exprimer, je crois.

Tu ne chantes plus en dogrib sur ce disque. Pourquoi ce changement ?

Sur le premier album, j’avais quelques chansons en dogrib. Mais j’ai décidé que sur le second album tout serait en anglais ainsi que quelques pièces instrumentales. Quand j’ai démarré ce projet je voulais exprimer certaines choses que je ne serais pas capable de dire en dogrib. Le troisième album par contre sera entièrement en dogrib.

Le nom de ton groupe, lui, est devenu plus dogrib. Avant vous étiez The Wolf et maintenant c’est Diga, qui signifie loup en dogrib. Qu’est-ce qui t’as pris de changer de nom ?

J’ai choisi Diga [il prononce dè-ga] parce que j’aime ce nom. Ce n’est pas plus compliqué que ça. Maintenant je vais garder Diga. Ça sonne bien.

Les thèmes que tu abordes dans tes chansons tournent presque tous autour des aînés, de la vie sur le territoire, du Créateur, et toutes ces choses. Quelle importance donnes-tu à la culture dogrib dans ton art ?

Eh bien, je pense que ça me vient naturellement d’aborder ces thèmes. Je ne peux m’imaginer chantant autre chose. C’est ma réponse naturelle.

Est-ce que tu as l’impression qu’en tant qu’artiste autochtone tu dois jouer un rôle de porte-parole pour ton peuple ?

Non, pas du tout. Je ne pense pas que je sois le porte-parole de qui que ce soit ou de quelque organisation que ce soit. Je ne me considère pas comme un modèle à suivre. Si les jeunes générations recherchent tellement de modèles c’est parce que leurs parents n’en sont pas.

Les Dogribs viennent d’obtenir leur autonomie gouvernementale et leurs revendications territoriales ont été sanctionnées par le Sénat canadien. Est-ce que ça te préoccupe ?

Je suis un guitariste d’abord et avant tout. Je suis musicien avant d’être Dogrib. C’est tout ce que j’ai à dire là-dessus.

Comment c’est d’être un artiste aux Territoires du Nord-Ouest ? Tu ne gagnes pas ta vie comme ça, n’est-ce pas ?

Non. C’est évident qu’en tant que musicien, j’ai parfois envie d’explorer de nouvelles avenues, d’aller ailleurs. Il y a des moments où j’ai envie d’aller dans le Sud, voir ce qu’il y a en bas. C’est définitivement quelque chose qui me trotte dans la tête, le Sud.

Tu as choisi de produire ton album toi-même. Pourquoi ?

Parce que comme ça je peux faire ce qui me plaît. Si j’ai envie de faire une chanson lente, je fais une chanson lente. Je n’ai pas de contraintes. Si j’avais voulu essayer d’obtenir du financement ou quelque chose comme ça j’aurais dû faire des concessions. Si je me souviens bien le critère [pour l’aide aux artistes autochtones] est que 50 % des chansons doivent être en dogrib. Je ne voulais pas faire ça. Je voulais aussi pouvoir mettre autant de chansons que je le désirais.

Oui, il y a 16 chansons sur ce disque. C’est très généreux.

C’est assez fou aussi.

Est-ce que c’est difficile de faire tourner son album, ne serait-ce que dans les stations locales ?

Je l’ai entendu jouer à Radio Taïga… Sinon, les stations locales seraient probablement intéressées à faire jouer mon album si ma musique correspondait à leur créneau. La plupart des chansons ne sont pas vraiment conçues pour le Top Ten, le Top Forty, le Top Country, et bla-bla-bla. Je ne définis pas ma musique comme country ou rock. Je dis que c’est alternatif. Il faut aussi dire que c’est un album assez heavy. C’est très sombre. C’est comme ça que je l’ai écrit. Ça reflète mon tempérament d’il y a un an et je n’ai pas de regret. C’est ce que je devais faire.

Le nouveau disque de Jesse James et Diga (Jon Powell aux percussions et Pat Braden à la basse) est en vente dans plusieurs commerces de Yellowknife. On peut aussi le commander en contactant directement l’artiste. Diga devrait jouer à l’occasion du Caribou Carnival et travaille présentement sur un troisième disque que Jesse espère lancer « dans un an, pas plus ».

www.diga1921.com